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mardi 22 octobre 2013

Que pouvons nous apprendre des Prix Nobel d'économie ?

La semaine dernière trois américains ont reçu le Prix Nobel d'économie pour leurs travaux sur les marchés financiers : Eugene Fama, Lars Peter Hansen, tous deux de L'Université de Chicago et Robert Shiller de Yale . Cette année le Prix Nobel récompense donc deux chercheurs aux conclusions radicalement différentes : Fama est bien sûr le père de l'hypothèse des marchés efficients (EMH) qu'il a développée dans les années 60 lors de sa thèse de doctorat. En résumé, EMH postule que les marchés intègrent toute l'information disponible sur les titres et que donc il est impossible de prédire l'évolution des cours et d'en tirer profit. Les traders savent évidemment que cette théorie des marchés efficients est déconnectée de la réalité, car oui il est souvent possible de prédire la direction des cours (à court terme du moins) et ce avec suffisamment de régularité pour en tirer profit . Même si très rares sont ceux qui parviennent à le faire tout au long d'une carrière, ce qui fait dire à ceux qui croient en l'efficience qu'il s'agit de chance.  Mais la théorie de Fama a aussi été discréditée par la crise financière, Fama lui continue de considérer que la théorie de l'efficience des marchés est une bonne représentation de la réalité. Par exemple, selon lui, les évènements de 2007-2008 n'étaient pas prévisibles, ne sont pas la conséquence d'excès (du crédit) et d'une bulle (les bulles sont pour lui un concept abstrait, impossible à vérifier si ce n'est a posteriori).  
Malgré tout la contribution de Fama a été immense pour les investisseurs : EMH est un modèle, ce n'est pas la réalité, mais si les marchés ne sont pas tout à fait efficients, tenter de prédire les cours futurs s'avère un exercice tellement difficile et aléatoire qu'il vaut mieux y renoncer (on peut aussi arguer qu'il y a d'autres choses à faire dans la vie). Fama a aussi fait une autre contribution majeure dans le domaine de la gestion de portefeuille avec l'économiste Kenneth French : c'est le modèle à 3 facteurs qui explique les returns futurs d'une action en partie par la taille d'une entreprise et sa valorisation . Surtout les idées de Fama ont été mises en application avec succès par les investisseurs : Fama collabore lui-même avec le gestionnaire de fonds indiciel DFA mettant en oeuvre le modèle à 3 facteurs, et les fonds indiciels sont désormais reconnus comme la meilleure solution pour investir. Selon un papier de Fama et French, seuls 3 % des gestionnaires actifs démontrent un véritable talent pour surperformer les indices. "La recherche montre qu'il est impossible de sélectionner ceux qui vont battre le marché" déclarait Fama à Bloomberg en 2010. 
http://www.bloomberg.com/news/2013-10-14/fama-s-nobel-work-shows-active-managers-fated-to-lose.html



Robert Shiller représente lui une école se situant presque à l'opposé des conclusions de Fama. Shiller a été à l'avant-garde de la recherche dans cette branche relativement nouvelle qu'est la finance comportementale. La finance comportementale reconnaît que les marchés ne sont pas efficients, que les investisseurs ne sont pas rationnels mais au contraire souffrent de biais émotionnels divers. Shiller s'est aussi rendu célèbre avec son ouvrage "Irrational Exuberance" qui prédit la fin du boom des Dotcom en l'an 2000. Spécialiste de l'immobilier, il est le co-créateur de l'indice de l'immobilier américain Case Shiller. Il prédit la chute du marché immobilier aux USA pendant que les pontes de l'économie au gouvernement ne voyaient rien venir (ou prétendaient) . Shiller c'est aussi une personnalité sympathique, complètement à l'opposé de l'économiste de tour d'ivoire. S'exprimant quelques heures après avoir reçu le Prix Nobel, il a rappelé que la question de plus en plus importante aujourd'hui dans l'économie était l'énorme accroissement des inégalités. 

Que retenir de tout cela si vous êtes un épargnant ? Mettez du Fama dans votre portefeuille,  optez pour les fonds indiciels, mais si vous ne voulez pas subir de longs marchés baissiers à vous donner la nausée, prêtez aussi l'oreille à Shiller . Oui il est possible de prédire les catastrophes sur les marchés, ceux qui disent le contraire ont souvent leurs propres raisons pour vous faire croire autrement.