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jeudi 9 décembre 2010

Flash Crash II ! Le retour

Le krach éclair du 6 mai 2010, contrairement à ce qui fut présenté dans les médias, était un krach à part entière, survenu à la suite d'une hausse quasi verticale des cours depuis le 10 mars 2009 date à laquelle le marché démarra un rebond inévitable. Ce rebond s'avéra extrêmement puissant, entamant une deuxième phase en juillet 2009 , effaçant ainsi sur les bourses américaines l'entièreté du déclin survenu lors du grand krach de 2008. Un krach inversé en quelque sorte, à la hausse cette fois. En neuf mois, la capitalisation de la bourse US a augmenté de 6000 milliards. Les raisons de ce revirement sidérant qui a ramené en un an les indices aux niveaux d'avant l'effondrement de Lehman - après que la majorité des investisseurs ont réalisé des pertes - ont été débattues par les analystes, mais pas assez sans doute. Le secteur de la finance en général étant bien trop content de ce miraculeux revers de fortune pour jeter des doutes sur sa légitimité économique.
Certains analystes comme Charles Biderman de TrimTabs qui se spécialise dans l’analyse des flux d’investissement sur les marchés financiers, ont avancé la théorie que le formidable rally de l’année 2009 , devait avoir été secrètement orchestré par la Réserve Fédérale qui se serait mise à faire des achats dans le marché - sans doute en concertation avec d’autres banques centrales vu la hausse d’autres bourses. Aussi incroyable et farfelue que puisse sembler cette accusation ( il existe des indices probants que de telles dispositions existent depuis des décennies au sein de la Fed qui procéderait en concertation avec les banques) , il n’existe selon TrimTabs aucune explication à la remontée en flèche des actions dans la deuxième partie de 2009, les apports de liquidités dans les fonds d’investissement étant restés insignifiants tout au long de l’année et ne pouvant en aucune façon supporter la hausse des cours . De même cette année , les fonds d’actions ont enregistré des retraits et non des apports.

Les marchés ont certainement été soutenus artificiellement par les opérations non conventionnelles de la Fed visant à débloquer la crise du crédit : élargissement du type de collatéral admis pour le soutien aux banques, taux à zéro et ensuite détente quantitative.
A partir d’août 2009, la bourse commença à refléter essentiellement l’activité d’ éléments spéculatifs. Par exemple, le marché était brusquement poussé à la hausse en cours de session par des traders pourchassant des cassures de plus haut des cours.
Ces participants, généralement des daytraders, se manifestent en général ainsi dans une hausse qui parvient à maturité , et qui s’apprête à subir une correction, particulièrement si la hausse fut verticale jusque là. Ces players à court terme ont souvent l’effet de créer une poche d’air là où ils sont passés, ils portent les cours à la hausse pendant un temps, et d’autres investisseurs encouragés par la hausse font leur entrée à des niveaux supérieurs.
La hausse ayant des fondations spéculatives, lorsque le marché se renverse, les derniers arrivés (souvent en nombre) découvrent qu’il n’y a aucun support aux cours. Néanmoins, le marché continua à grimper. La course à la performance de la part de hedge funds aux abois au creux de 2009, la panique de certains investisseurs sous-investis en actions (et ayant vendu aux plus bas) ont sans aucun doute alimenté une poursuite de la hausse en fin d’année.
Un autre facteur a peut-être contribué au maintien des cours : le trading à haute fréquence. On a beaucoup parlé de ces nouveaux acteurs, en particulier depuis le krach éclair dont ils ont été accusés d’être la cause. Ces programmeurs qui utilisent des systèmes informatiques achetant et vendant des milliers de fois dans la journée - exploitant souvent des failles du système pour placer leurs ordres avant les autres- ont certainement contribué à ce que j’appelle la « lemmingisation » des marchés, c’est-à dire un phénomène par lequel les fortes tendances se trouvent perpétuées et renforcées pour atteindre des niveaux extrêmes, jusqu’à ce qu’un renversement tout aussi extrême survienne.
Il est certain que les traders à haute fréquence par leur activité d’apporteurs de liquidité contribuent à soutenir le marché, leurs algorithmes suspectés d’être similaires pour une grande partie d’entre eux, les placent aussi du côté de la tendance du moment.
Les « high frequency (HF)traders » sont de plus en plus nombreux (les taux à zéro et une technologie aisément accessible y contribuent fortement) , et ils sont ouverts 24h sur 24 sur tous les marchés. On estime aujourd'hui que plus de 50% du volume d'échange sur les bourses de New York est issu des seuls HF traders . Sur les bourses, leur liquidité semble toujours là pour soutenir le marché. Lorsqu’ils disparaissent par contre comme lors du krach éclair, les investisseurs ont découvert qu’il n’y a –presque- plus personne pour acheter et vendre . C’est pourquoi des titres comme Procter & Gamble et Accenture s’échangèrent très brièvement ce jour- là à des cours 99% plus bas que le cours de la veille alors que quelques titres comme Apple s’échangèrent à 100 000 dollars!
Le Flash Crash révéla en fait l’ampleur de la manipulation et de l’artificialité des marchés d’aujourd’hui. Un état de fait dont nombre de professionnels sont conscients mais dont ils ne parlent en général qu’en privé. Dans les médias, le cynisme ambiant a pris le dessus : aussi longtemps que la Fed maintient sa politique ultra accommodante qui semble maintenant devoir persister encore un an voire deux , la fête peut continuer et il faut acheter des deux mains.

Le krach éclair fut attribué d’abord à une erreur humaine dans une transaction sur le titre Procter& Gamble, ensuite on a parlé de problèmes techniques sur les bourses de New York , de technologies nouvelles qui présentaient des failles et dont il fallait mieux réglementer l’utilisation. On a évoqué un important vendeur ( Waddel Reed, un gérant de fonds) de contrats futures (75 000 contrats pour une valeur notionelle de 4 milliards), une transaction pourtant habituelle pour cette institution. Perdu dans tout cela, l’explication la plus évidente mais que personne n’a vraiment intérêt à dire tout haut: avec le retour des bulles, il faut s’attendre au retour des krachs ! Des krachs exacerbés par les nouveaux lemmings des marchés. Il y avait les « suiveurs de tendance » qui sont des acteurs à moyen terme sur les marchés à terme, il y a désormais les traders à haute fréquence, appellation sous laquelle on peut englober les programmes hyper actifs agissant sur plusieurs marchés, exploitant les relations entre ceux-ci. Durant le flash crash du 6 mai en effet, nombres d’autres marchés furent pris simultanément de violents soubresauts alors que les programmes informatiques de ces nouveaux traders réagissaient en temps réel à la chute de New York. Les taux s’effondrèrent, l’or grimpa fortement et les devises à haut rendement s’effondrèrent. Un véritable jeu de dominos, avant-goût de la prochaine crise, qui met en évidence le risque systémique engendré par des politiques monétaires encourageant le tout à la spéculation. L’enquête de la SEC et de la CFTC sur les causes du Flash Crash a conclu que les HF traders ont contribué à la chute abrupte de la bourse en se mettant d’abord à vendre agressivement lors du déclin puis en se retirant soudainement du marché. Les problèmes techniques sur différentes bourses suite à l’accélération dantesque du flux des données , le retrait des teneurs de marché humains qui s’ensuivit, firent le reste .

L’histoire montre que les marchés ont tendance à répéter pendant un temps les phénomènes observés dans le passé récent, avant qu’une autre tendance de fond ne change la marche suivie. Il est donc raisonnable de s’attendre à un nouvel événement similaire au krach éclair. Des mesures ont été prises par les bourses et les régulateurs pour éviter une répétition du flash crash et redonner confiance aux investisseurs particuliers , à juste titre méfiants aujourd’hui vis-à-vis des marchés financiers.
Aux Etats-Unis , des « circuit breakers » ont temporairement été instaurés sur les titres , actions et ETF, s’échangeant sur le Nasdaq , le NYSE et les ECN. Ils fonctionnent un peu comme ceux en vigueur sur les indices depuis le krach de 1987. Si le cours d’une action varie de 10% en 5 minutes, les échanges sont arrêtés pendant 5 minutes. Ces mesures seront prolongées pour 4 mois supplémentaires- elles devaient prendre fin ce vendredi 10 décembre- le temps que la SEC développe en collaboration avec les bourses des règles plus élaborées destinées à prévenir un autre krach. Un système de bande de prix au sein de laquelle un titre peut évoluer librement sur le modèle de ce qui se pratique depuis longtemps sur les marchés à terme est en passe de recueillir le consensus . Si un titre devait varier trop fortement durant la session, une limite à la baisse (ou à la hausse) serait déclenchée et seuls des échanges endéans la limite de prix pourraient prendre place durant une période déterminée.
Ces mesures si elles sont adoptées s’accompagneront de graves inconvénients bien sûr. Lorsqu’une société cotée fait l’objet de nouvelles importantes influençant son cours, il ne sera souvent plus possible d’échanger son titre avant que celui-ci ne rouvre à la cotation à un niveau largement inférieur ou supérieur. Ceci nuit à la fluidité et à l’équité des échanges . Les investisseurs devraient pouvoir traiter en tout temps sur les titres du marché. Un système forçant un passage au traitement manuel des ordres serait sans doute préférable , bien que ce type de traitement n’est pas sans défaut non plus. En 1987, durant le krach les teneurs de marché des banques cessèrent de répondre aux appels de leurs clients qui désiraient vendre. Les specialists du NYSE (market makers) firent de même le 6 mai, ils ont éteint leurs systèmes d’exécution automatique et se sont croisé les bras.
Malgré ces mesures, un nouveau flash crash est probable. Un nouveau krach sera sans doute plus prononcé sur les marchés qui par la force des choses peuvent être difficilement bridés par les régulateurs : le marché des changes et les marchés obligataires (qui eux s’envoleraient à nouveau sans doute), les métaux précieux.
Quand faut-il s’attendre à cette nouvelle secousse des marchés ? Incessamment peut-être, bientôt probablement. Le flash crash du 6 mai n’était sans doute que la première secousse d’un lent mouvement de renversement des marchés boursiers. Ces premières secousses comme on peut l’observer lors des derniers krachs se produisent à approximativement 1 an, 6 mois, puis 3 mois d’intervalle au fur et à mesure de l’avancement de la phase de plateau et de retournement (voir graphiques). Elles constituent donc souvent des avertissements pour les investisseurs. Six mois se sont écoulés depuis le krach éclair. Les mesures anti -krach viennent d’être reconduites, ceci pourrait singulièrement sonner l’heure d’une nouvelle panique. Bien sûr ceci relève de la spéculation pure, basée sur l’expérience et l’observation des marchés, et les facteurs saisonniers jouent à l’encontre d’un tel scénario, mais il vaut sans doute la peine d’envisager la possibilité d’un tel événement.










Comment s’en protéger ? Il y a différentes manières de se protéger et de profiter d’un nouveau krach éclair. On peut bien sûr choisir de sortir du marché. Mais tout vendre est rarement une bonne idée, car on a rarement raison exactement au bon moment.
Si l’on maintient un portefeuille d’actions, on peut vendre des calls sur ses holdings, de manière à générer un rendement supplémentaire . Les primes encaissées créeront un coussin de sécurité , insuffisant toutefois si le marché devait chuter fortement. Les titres seront aussi abandonnés en cas de hausse continue des cours.
Une autre solution consiste bien sûr à faire l’achat d’options put sur les indices ou sur des ETF indiciels. La volatilité implicite des options est très basse reflétant l'absence de peur dans le marché, comme indiquée par le VIX, et donc cette protection est aujourd’hui très bon marché. C’est ce que nous avons fait en achetant le put sur le S&P 500 Trust, prix d’exercice $115, expiration Mars 2011. C’était sans doute une erreur, car le cours du put a perdu 50 % en l’espace de quelques jours suite au violent rally de la semaine dernière. C’est là le risque des options, mais ce risque est limité à la prime.

Enfin, les investisseurs plus sophistiqués- et téméraires- peuvent vendre les devises à haut rendement que sont le dollar australien et le dollar néo-zélandais contre le dollar US. Mais ceci comporte un inconvénient, une telle position souffrira d’un coût de portage élevé à cause du différentiel d’intérêt entre les deux devises, en particulier sur le couple AUD/USD. Nous avons commencé à initier de telles positions ces derniers jours en prévision d’une correction. Correction qui jusqu’à présent se fait attendre.
Mais ces devises souffriront - au moins temporairement – lors d’une correction. Privilégiées par les « carry traders » qui s’y intéressent à cause de leur rendement, elles font toujours l’objet d’une liquidation massive lorsque le goût du risque diminue chez les investisseurs.

vendredi 29 janvier 2010


Reconduction de Bernanke confirmée par le Sénat


Le monde a pourtant besoin d'un nouveau Président de la Fed.
Ainsi que d'un recentrage des activités de la banque centrale


Ben Bernanke a finalement été reconduit dans ses fonctions jeudi en fin de séance à Wall Street au terme d'un lobbying intense de l'administration Obama auprès du Sénat . Ce vote ne peut que rappeler celui qui permit à George Bush en 2004 de poursuivre ses guerres d'agression dans le Moyen Orient. Comme lors des élections présidentielles de 2004, les partisans de la continuité ont exploité les peurs du public.
Ce n'était bien sûr plus Saddam Hussein et ses prétendues armes de destruction massive qui menaçaient le pays, mais l'absence d'une alternative à Bernanke, consacré homme de l'année par Time magazine, et le spectre d'une "Grande dépression" . Si Bernanke n'était pas reconfirmé on assisterait à une rechute des marchés, le taux de chômage ne rebondirait pas. La confirmation par le Sénat de la renomination de Ben Bernanke à la tête de la Réserve Fédérale était pourtant de moins en moins certaine la semaine dernière alors que plusieurs sénateurs démocrates exprimaient leur intention de voter contre la reconduction du Président de la banque centrale. La sénatrice démocrate Barbara Boxer (Californie) avait rejoint un chœur de représentants démocrates et républicains appelant au changement à la tête de la banque centrale. Si Bernanke n'était pas reconduit dans ses fonctions avant la fin du mois -qui marque l'expiration de son mandat de 4 ans- il devait temporairement céder la place au Vice Président , actuellement Donald Kohn, et ce jusqu'à ce qu'un vote du Sénat entérine sa renomination.


Goldman Sachs aura toujours l'oreille de Bernanke lors de son deuxième mandat


Les sénateurs qui s'opposent à la reconduction de Ben Bernanke affirment la nécessité d'un changement à la tête de l'institution chargée de la politique monétaire et de la supervision du secteur bancaire. Un appel au changement qui, dix mois avant des élections parlementaires, constitue aussi une démonstration de mécontentement bienvenue auprès d 'un électorat scandalisé devant les sauvetages des grandes banques fin 2008.

Il est en effet temps pour l'Amérique de reconsidérer le rôle de la Fed et de son Président et c'est d'ailleurs ce à quoi s'attèle le Congrès américain avec un projet de loi issu du représentant conservateur-libertaire Ron Paul (Texas) visant à auditer les opérations relatives à la politique monétaire de la banque centrale.

Le Sénateur républicain Ron Paul (TX) mène la fronde contre la Réserve Fédérale


Le Congrès examine aussi la possibilité de retirer à la Réserve Fédérale son rôle de supervision des banques et de protection du consommateur après que celle-ci se soit montrée incapable de mieux réglementer le marché des prêts hypothécaires et les pratiques des banques en matière de crédit à la consommation (taux d'usure régulièrement appliqués sur les cartes de crédit). Ces initiatives sont présentées par les milieux économiques comme une grande menace sur l'indépendance de la Fed. Face à la menace d'une non-reconduction de Bernanke, Wall Street déjà sous pression avec le nouveau projet de réglementation des banques, a répondu par une brutale correction la semaine dernière. Un changement à la tête du FOMC apporterait bien sûr le lot d'incertitudes apte à faire réagir négativement les marchés. Quant au projet de loi de Ron Paul, même s'il ne vise qu'à rendre les activités jusque là secrètes de la Fed plus transparentes , sa ratification par le Congrès pourrait soumettre la banque centrale à des pressions de la part d'un Congrès généralement en faveur d'une politique d'argent facile. Les ambitions électorales prévalant souvent face aux choix difficiles, la possibilité que le Congrès puisse pousser la banque centrale à maintenir indéfiniment des taux stimulant la croissance nuirait à la crédibilité de la Fed et relèverait les attentes des acteurs financiers quant à l'inflation.
Pour la plupart des économistes, représentants de l'establishment, l'indépendance de la Fed est sacro-sainte . Pour la bonne santé à long terme de l'économie on ne saurait tolérer ce genre d'ingérence dans la politique monétaire de la banque centrale.

Les banques centrales sont des institutions anti-capitalistes, antidémocratiques, et génératrices d'inéquités


Mais prétendre que la Réserve Fédérale est indépendante ne manquera pas de passer pour de l'hypocrisie aux yeux de ceux qui n'ignorent pas les origines et l'histoire des banques centrales. La Fed n'a jamais été indépendante depuis sa création en 1913. C'est un fait qui n'est jamais mentionné mais la Réserve Fédérale comme d'autres banques centrales n'est pas à proprement parler une institution de l'état , elle dispose d'un statut semi-autonome.
Il s'agit ni plus ni moins d'une organisation privée détenue par le secteur bancaire et soumise au contrôle du Congrès. La Fed est ainsi composée de 12 banques régionales dont les actionnaires sont les banques commerciales membres. Historiquement la Fed de New York , la succursale la plus importante du système de la Réserve Fédérale, a ainsi été détenue par les grandes banques commerciales de New York. Ces banques commerciales de par le Federal Reserve Act de 1913, nomment 2/3 des directeurs de chaque banque régionale. Une étude du Congrès américain en 1976 sur la composition du comité de direction de la Fed conclut : " Il est difficile d'imaginer une représentation plus étroite (de la société) dans un comité de direction d'une institution publique que celle observée au sein du système de Réserve Fédérale… Seuls deux segments de la société – le secteur bancaire et le milieu des affaires – ont une représentation substantielle , et souvent ceux-ci sont entremêlés par leurs relations de directoires " (1). La même influence est exercée sur les autres banques centrales qui recrutent leurs directeurs au sein du même "club" dénoncé par l'étude sus-mentionnée: figures du secteur bancaire et des affaires, économistes néo-classiques représentants de l'établissement, ils sont tous issus des mêmes écoles, ont tous une expérience similaire, les mêmes connections et les mêmes allégeances auprès des décideurs des secteurs financiers et industriels.
Le secret qui entoure les processus de décisions et les opérations des banques centrales, leurs affiliations et leur actionnariat font de celles-ci des organisations anti-démocratiques. Par leur contrôle sur l'offre de monnaie et donc sur l'économie toute entière, elles constituent un gouvernement dans le gouvernement, manipulant les conditions de crédit et l'économie pour le profit de l'élite financière. La politique de la Réserve Fédérale américaine a offert ces vingt dernières années le meilleur exemple des dommages collatéraux associés au système de banque centrale. D'abord avec Alan Greenspan, Mr. Bubble, dont l'ego enflé par l'adulation des médias n'a d'égal que les bulles qu'il a créées et qui considérait les nouvelles inventions dans les instruments dérivés (CDS, CDO's etc.) comme un grand progrès dans le transfert et la répartition (en effet) du risque parmi les acteurs financiers. Ensuite avec Ben Bernanke, qui étendit le pouvoir de la banque centrale comme personne ne l'avait jamais fait pour tenter désespérément de regonfler les bulles de son prédécesseur tout en changeant les règles du jeu au bénéfice de certaines tranches de la société. Cadeaux aux banques et dissimulations, support artificiel d'un marché immobilier encore inabordable pour beaucoup de familles, expansion risquée et sans précédent du bilan de la banque centrale, promesses irresponsables de taux à zéro pour une durée indéfinie, les raisons d'être sceptique face à la nouvelle approche de la Fed sont nombreuses. Ces mesures ont nul doute permis une stabilisation des marchés et de l'économie jusqu'ici , atteignant même leur objectif inavoué de regonfler les bulles du passé - dans les matières premières et sur les marchés d'actions, émergents particulièrement.
L'économie réelle n'a pas bénéficié autant que le secteur financier des mesures exceptionnelles de la Fed: le taux de chômage ne montre pas de signes d'amélioration future, en réalité celui-ci est dramatiquement plus élevé que les statistiques de l'état le montrent (17% aux USA).
La raison principale est bien sûr que les banques ont préféré utiliser l'argent distribué par la banque centrale et le gouvernement pour le carry trade ( emprunter à 0% , placer en bons du Trésor ou dans les pays émergents) ou pour leurs opérations de "proprietary trading" plus profitables que jamais suite à la disparition de nombre de concurrents .
Entretemps, l'élite financière engrange à nouveau des profits gargantuesques grâce au retour des bulles spéculatives. Goldman Sachs dont l'influence pénètre toutes les institutions de Washington, à la manière des banquiers Rothschild au 19ème siècle, vient d'annoncer des profits records, les bonus et augmentations annoncés aux employés et associés dépassant pour certains leur compensation de 2007, la dernière année record . Goldman qui durant la crise bénéficia d'une procédure accélérée auprès de la Fed pour obtenir le statut de holding bancaire afin d'obtenir des fonds du gouvernement, Goldman qui fut le plus important bénéficiaire du sauvetage soudainement crucial d'AIG en récupérant 100% du montant de ses créances auprès de l'assureur, 12,9 milliards de dollars, le tout au frais du contribuable. Une faveur que la Fed a tenté de passer sous silence et présente aujourd'hui comme incontournable (une réduction du montant des créances en faveur des banques ou "haircut", conséquence habituelle d'une liquidation judiciaire, aurait prétendument provoqué une panique). Goldman bénéficie désormais du support de la Fed via le guichet d'escompte. Ce qui ne l'empêche pas d'être gérée comme un super hedge fund.

Les banques centrales, la Fed en tête, nient l'existence actuelle de bulles sur les marchés en présentant le même argument : même lorsque celles-ci sont présentes, les banquiers centraux peuvent difficilement les identifier et ne disposent pas des outils pour les combattre . C'est le même argument qui était utilisé entre 2003 et 2007 pour prétendre qu'il n'existait pas de bulle de l'immobilier résidentiel.
Pourquoi les économistes des banques centrales ne peuvent-ils identifier les excès spéculatifs alors que les spéculateurs eux-mêmes sont capables d'un tel discernement ?
La réponse est à trouver dans la prétendue indépendance des banques centrales, les bulles spéculatives profitent énormément à l'élite financière: le secteur financier et le secteur industriel et leurs insiders voient leur profits gonfler dans des proportions gigantesques. La bulle basée sur l'argent-dette facile est alors appelée prospérité, et tout le monde, prétend-on, partage les fruits de cette prospérité. L'état au premier chef parce qu'il engrange des recettes d'impôts plus importantes , permettant ainsi le financement des ambitions des représentants du peuple. Ceci explique pourquoi parmi les décideurs, personne ne veut vraiment mettre un terme à la prospérité de la bulle.
Chacune de ces bulles creuse encore un peu plus le fossé entre riches et pauvres , car les bénéficiaires et les victimes des bulles sont toujours les mêmes. Puisque les masses sont tenues dans l'ignorance quant à la nature des banques centrales, c'est la libre entreprise et le marché qui ont traditionnellement été perçus comme responsables de l'injustice sociale. Certes ces derniers seront toujours générateurs d'inégalités mais quelle responsabilité peut-on attribuer aux banquiers centraux et à l'élite financière oeuvrant dans leur ombre ?
Aux Etats-Unis, la croissance du revenu de la couche la plus riche de la population a commencé à clairement se distancer du reste de la population à partir de la fin des années 70 et s'accéléra au cours des années 80 . Cette période coïncide avec une série de booms, dans les matières premières (pétrole notamment) puis l'immobilier, venant enrichir les bilans des couches sociales supérieures, alors que les couches inférieures subissaient de plein fouet une économie en berne accompagnée d'une forte inflation. Les années 80, furent celles de la Reagan Revolution et de la dérégulation , la baisse des taxes favorisa l'élite financière. Son corollaire, le démantèlement du Welfare State contribua à l'appauvrissement des couches sociales inférieures. Le welfare pour l'élite financière prit la place de celui-ci avec l'arrivée d'Alan Greenspan à la Fed en 1987. Une série de bulles d'ampleur historique creusèrent définitivement l'écart entre les pauvres et les -désormais- ultra-riches, alors que la classe moyenne se vit marginalisée. Coïncidence ou non, le rythme de croissance du revenu du 95ème percentile le plus riche de la population augmenta encore plus durant l'âge d'or de Greenspan - 2ème partie des années 90- caractérisé par une forte croissance des aggrégats monétaires (voir ci-dessous le graphique des aggrégats monétaires ).
Cette inflation de l'offre de monnaie fut la cause de l' inflation des actifs (voir graphiques du S&P 500 et S&P Case-Shiller Housing Index). L'inflation telle que définie par les banquiers centraux , c'est-à-dire essentiellement l'indice des biens à la consommation (CPI), sa version "hors alimentation et énergie" et bien sûr leur hantise que sont les augmentations salariales, fut tenue en échec. Grâce en grande partie aux forces déflationnistes venant des pays à bas salaires qui bénéficièrent de la délocalisation de nombreuses industries .
Une croissance exceptionnelle facilitée par la dette , et contrebalancée par l'énorme pression sur les salaires et les prix à la consommation venant des pays émergents permit à Bernanke en 2004 de vanter l'ère de son prédécesseur Greenspan comme celle de la "Grande modération". Une ère nouvelle qui selon lui devait beaucoup aux progrès accomplis en matière de politique monétaire . Un tel argument était aussi en vogue parmi les économistes dans les années précédant le krach de 1929 et la Grande dépression .

Le revenu des plus riches a vraiment distancé le revenu médian à partir de la fin des années 70
Source: The Race between Education and Technology, by Lawrence F. Katz and Claudia Goldin (Harvard University Press, 2008)

Graphique par Economist's view http://economistsview.typepad.com/economistsview/

L'explosion de l'offre de monnaie s'est traduite non par l'inflation des prix à la consommation (pression sur les prix et salaires en provenance des pays émergents) mais par l'inflation des actifs. Les prix de l'immobilier, la bourse explosent dans la deuxième partie des années 90.



CASE SHILLER INDEX
(1890-2006)

Copyright The New York Times

Reagan a démantelé le Welfare State et puis nommé Alan Greenspan . Avec ce dernier, c'est le Welfare pour l'élite financière qui fait son entrée grâce aux bulles spéculatives.

"The Great Moderation" ! L'indice S&P 500 sous Greenspan et Bernanke

Bernanke, y-a-t-il un pilote fou dans l'avion ?








C'est que Ben Bernanke, comme Alan Greenspan, comme ses confrères du Federal Open Market Commitee n'a pas vu venir la grande crise de 2008. Au contraire, en pleine frénésie du marché immobilier entre 2005 et 2006, Bernanke alors économiste en chef de la Maison Blanche – car oui Bernanke contribua aussi à façonner la politique économique de George W. Bush - n'exprima jamais l'ombre d'une inquiétude sur l'évolution des prix de l'immobilier rassurant toujours les sceptiques en évoquant l'histoire de l'immobilier américain. Jamais le pays n'avait vécu un déclin des prix au niveau national, il n' y avait pas de bulle sur le point d'éclater tout au plus des excès locaux qui allaient se corriger graduellement sans effondrement des prix. Une théorie qu'il répéta à l'envi, comme sa conviction qu'il n'y aurait pas de contagion de l'économie par les défauts sur les subprimes.

Le Sénateur démocrate Bernie Sanders de l'Etat de Vermont, un des fervents opposants à la réélection du Président de la Fed a rassemblé une étonnante liste de citations de Bernanke depuis que ce dernier a pris ses fonctions au printemps 2006.
Voici quelques extraits de ce qui se lit comme le grand bêtisier de Bernanke : (le texte complet peut être lu ici: http://sanders.senate.gov/newsroom/news/?id=4BCD2F9A-8EED-4CD6-B9B5-8FB554D11844)



Février 2006: nos attentes sont que le déclin de l'activité (de la construction) sera modéré et que les prix des logements continueront probablement de grimper mais plus au même rythme. Donc nous nous attendons à un ralentissement du marché immobilier mais pas à un changement brutal des conditions…

Février 2008: à la fin de cette année, l'immobilier aura cessé d'être un frein à la croissance du PNB . Je suis satisfait de notre approche générale..

Juillet 2008 : Fannie Mae et Freddie Mac disposent de suffisamment de capital et ne sont pas en danger . Quelques mois plus tard les deux organismes privés de refinancement hypothécaire créés par l'état devaient être secourus et nationalisés par le gouvernement .
Mais Bernanke s’était déjà distimgué par un certain ... manque de clairvoyance avant même d’être nommé Président de la Fed par George Bush. Dès sa prise de fonction comme gouverneur de la Fed en 2002, il devint un ardent défenseur de la politique de Greenspan. Tenant le même discours qu’il tiendra en 2006 au plus haut de la bulle immobilière, il justifia la politique de Greenspan en affirmant qu’une hausse des taux pour juguler les excès de l’ère des dotcoms aurait été « l’équivalent d’une trépanation à coups de marteau ». Plus tard, lors de son fameux discours « planche à billets », il évoqua les moyens que la Fed pouvait utiliser pour inonder l’économie de crédit facile en vue de combattre une déflation, utilisant l’image d’hélicoptères déversant des billets . Ce qui devint alors la doctrine Bernanke lui valant le surnom d’ « Helicopter Ben » consacra Bernanke comme un imprimeur de billets plus zélé encore que son mentor Greenspan. En 2006, à sa nomination à la tête de la Fed, il déclara que sa priorité serait de continuer la politique de Greenspan. Greenspan lui-même avoue n’avoir jamais eu de désaccord avec Bernanke.

Récemment, Bernanke volait encore à la défense de Greenspan en justifiant la politique de la Fed entre 2002 et 2004 . Selon lui, l’envolée folle des prix des logements ne fut pas causée par les taux au plancher mais par un manque de réglementation. Un argument peu convaincant, les taux bas stimulent toujours la demande de biens immobiliers et les maintenir lorsque le jeu du « property ladder » (acheter pour louer, revendre pour acheter plus gros) s’empare du pays tout entier, ne fait que créer une spirale inflationniste des prix.
Certes, une des causes des mégabulles immobilières dans les pays anglo-saxons se trouve dans une réglementation très laxiste des contrats de location permettant de maximiser le profit. Mais Bernanke faisait allusion à la législation du marché des prêts hypothécaires.
Ironiquement c’était la Fed qui supervisait les banques et les pratiques sur le marché des prêts hypothécaires ! Et c’est seulement en 2007 qu’elle s’attela à une réforme du marché des prêts subprimes. Ces prêts en réalité remplissaient une fonction en offrant l’accès au logement aux individus sans historique de crédit (par ex. à cause de questions d’immigration, à cause d’un parcours professionnel erratique ou d’une absence de dettes et de responsabilités financières antérieures). C'est la prolifération et la vente abusive de ce type de prêts (ainsi que celle des ARM, "adjustable rate mortgages" et "negative amortization loans"), couplées à des valorisations poussées à la hausse par la spéculation et souvent gonflées plus encore par les agents et experts immobiliers - avec la complicité des prêteurs - qui fut à l'origine de la crise des subprimes. Wall Street fournit un marché pour la titrisation de ces prêts, qui une fois "repackagés " trouvaient aisément preneur . Pourquoi ? Parce que les taux étaient tellement bas grâce à la Fed, les investisseurs trouvaient là un rendement plus intéressant que celui des bons du Trésor dans des produits qui ne paraissaient pas comme spéculatifs .
Pour la petite histoire, Bernanke lui-même , comme le révèle le Time , avait contracté un de ces prêts à l’origine de la crise, un ARM, dont le taux varie suivant l’évolution du marché ! Après que le taux de son prêt ait « explosé », le Time révèle que Bernanke dut refinancer son prêt. Même dans ses finances personnelles Bernanke fit des choix catastrophiques!
Ces erreurs de jugement monumentales de la part de quelqu'un qui est regardé comme l'économiste en chef des Etats-Unis - un des problèmes dans le fonctionnement de la Fed c'est probablement aussi l'exposition médiatique et le rôle trop important de son Président- constituent le fondement des critiques à l'égard de Bernanke. Comment peut-on confier le redressement à long terme de l'économie à un homme qui non seulement n'a pas vu venir la crise mais affirma à qui voulait l'entendre, avec une assurance proche de l'arrogance, qu'une telle crise ne pouvait pas se produire ? Pour Jim Rogers , l'ancien associé de George Soros, Bernanke a fait la preuve de son incompétence et devrait démissionner . Le célèbre gourou des marchés Marc Faber, auteur du Gloom, Boom, Doom Report, va plus loin, pour lui Bernanke est un criminel.
L'inaction totale de Bernanke durant la bulle des matières premières de 2006-2007 et les émeutes de la faim qu'elle causa de part le monde, peuvent certainement être qualifiées de crime contre l'humanité. Et que dire du pillage des ressources naturelles et de la destruction de l'environnement dans les pays émergents dont la croissance effrénée est en fin de compte le résultat de la politique de la Fed ? Car c'est la banque centrale qui est à l'origine de l'endettement massif du consommateur américain et son corollaire, un déficit extérieur inondant le monde de liquidités .
Si Bernanke n'est pas un criminel , les desseins de ses maîtres dans l'ombre certainement le sont. Mais peu importe, les vainqueurs écrivent les livres d'histoire et pour Ben Bernanke comme pour Alan Greenspan et comme pour George W.Bush , les livres d'histoire se montreront cléments.
Il faudra donc patienter jusqu'à la prochaine crise financière – qui ne saurait trop tarder – pour qu'une nouvelle opportunité de réformer la Réserve Fédérale se présente . Des hommes comme Ron Paul , espérons-le, réussiront alors à ramener la fonction de la Fed à son rôle premier et essentiel, la sauvegarde du pouvoir d'achat de la monnaie, et le rôle de prêteur en dernier ressort dans un système bancaire de réserves fractionnelles - plus stricte pour les banques , pourquoi pas . Non pas au bénéfice de l'élite financière mais au service du peuple.
Liens :
L'économiste monétariste Anna Jacobson Schwartz appelle Bernanke "L'homme sans plan".
Le Sénateur républicain Jim Bunning (Kentucky) :
"La liste des raisons pour ne pas reconduire Bernanke est sans fin"
(1) Committee on Banking, Currency and Housing of the House of Representatives, 94th Congress, 2d session, August, 1976, "FEDERAL RESERVE DIRECTORS: A STUDY OF CORPORATE AND BANKING INFLUENCE.

dimanche 17 janvier 2010

Les leçons de l'année 2009



Année de tous les dangers , 2009 apparaît aujourd'hui rétrospectivement comme "l'année zéro danger" où il suffit, pour être un génie, de se prendre pour Jim Cramer, hedge fund manager reconverti en animateur de l'émission Mad Money sur CNBC et de presser sur un bouton en criant BUY ! BUY ! BUY ! Mais pour ceux à qui il manque une boule de cristal et qui n'ont donc pas fait le plein d'actions et d'actifs à risque en mars dernier (pour ensuite les conserver jusqu'à aujourd'hui), l'année 2009 apporte son lot de leçons riches en enseignements. Aussi précieuses que soient ces leçons, certaines ne pourront être réellement mises à profit que lors d'un autre cycle de marché, une raison de plus pour les graver en mémoire une fois pour toutes.


1) Résister à la tentation de changer de plan d'investissement et d'allocation à la suite d'une chute des marchés

Modifier la structure de son portefeuille telle qu'elle fut décidée en accord ave ses objectifs de long terme est rarement une bonne idée. A fortiori lorsqu'on le fait à cause d'une baisse dramatique des cours. Beaucoup d'épargnants et d'investisseurs professionnels ont fait cette erreur en 2009.
Les caisses de retraite ont repensé leur allocation aux actions alors que les bourses étaient proches des plus bas, la notion même d'investissement à long terme dans les actions a été réexaminée par beaucoup de particuliers qui avaient cru à cette approche. Cette réaction est compréhensible, le krach de 2008 fut à maints égards, sans équivalent dans l'histoire boursière. Fin 2008, beaucoup d'experts prophétisaient la fin du système financier actuel ou le début d'une ère nouvelle, une "nouvelle norme " caractérisée par une économie anémique . Cette possibilité n'est d'ailleurs toujours pas complètement écartée. La crainte d'une Grande Dépression répandue par la presse économique, la peur de pertes plus importantes encore, ont nul doute amené beaucoup de particuliers à quitter les bourses pour ne plus y remettre les pieds.
Les émotions sont le pire ennemi de l'investisseur et celles-ci ont tendance à prendre le dessus lorsque les marchés atteignent des extrêmes. C'est pourquoi il est crucial de bien examiner son plan d'investissement (son allocation) à sa création, et d'envisager les conséquences de scénarios extrêmes non seulement sur la valeur de son portefeuille mais sur son bien-être mental. A cet égard, la plupart d'entre nous ont tendance à surestimer notre capacité à endurer temporairement des pertes élevées.
Pour ceux qui reconnaissent leur faible tolérance aux pertes, il existe différentes alternatives au portefeuille traditionnel réparti principalement entre actions et d'obligations: allocation réduite aux actions, market timing,
stratégies de return absolu. On peut débattre du bien-fondé de ces alternatives, mais une fois que l'on a fait son choix d'allocation, il n'est jamais recommandé de le changer en cours de route, et certainement pas au pire moment, juste après une baisse historique des marchés quand il faut plutôt ajouter à ses holdings d'actions .
Pour mieux endurer les périodes de baisse des marchés et s'en tenir à la stratégie adoptée, il faut savoir se détacher de l'influence des médias, des analystes et des économistes. Un exercice difficile pour ceux qui veulent se tenir constamment informés des nouvelles financières.



2) Rester diversifié

Fin 2008, les investisseurs ont fui les actions et les hedge funds. Après l'affaire Madoff et la plus mauvaise année en termes de performances pour la gestion alternative, la fin d'un certain âge d'or des hedge funds fut même proclamée. C'est vers les comptes d'épargne que l'argent des particuliers a migré en masse et les apports de ces derniers dans les fonds de placement actions restèrent très faibles durant toute l'année 2009. Les actions et les hedge funds ont ensuite enregistré des performances records en 2009, de façon ironique mais classique aussi, même si le rebond d'une année à l'autre fut exceptionnel. Les hedge funds en moyenne ont réalisé leur meilleure performance depuis 10 ans selon Hedge Fund Research (20.04%).
Quant aux bourses, il faut remonter à l'année 2003 pour trouver des performances plus spectaculaires encore.
Les actifs mal aimés d'aujourd'hui seront les actifs recherchés de demain, ce principe fondamental s'est rappelé à notre bon souvenir en 2009 et de quelle manière ! C'est pourquoi, quel que soit son profil d'investisseur, et quel que soit l'état des marchés, il est préférable de toujours détenir une part d' actions dans son portefeuille en reconnaissant que prédire les performances futures des bourses est un exercice frustrant . Une autre illustration des bienfaits du principe de diversification fut la performance des obligations: en 2009 les bons d'Etat enregistrèrent une performance décevante après des performances spectaculaires en 2008. A l'opposé les rendements élevés des obligations corporate dont les cours étaient au plus bas en automne 2008 attirèrent les investisseurs en masse malgré les risques de défaut désormais plus élevés . Les obligations corporate qui souffrirent en 2008 chutant en moyenne d'un peu plus de 7% pour la zone Euro , offrirent en 2009 une performance exceptionnelle, la moyenne des fonds de la catégorie étant en hausse de plus de 16% (1) .

La cause principale de la mauvaise performance relative d'un portefeuille est le manque de diversification. Traditionnellement, la diversification signifie l'exposition à différentes classes d'actifs, mais l'investisseur peut aller encore plus loin en diversifiant parmi différentes stratégies ou styles au sein de ces classes. Dans le compartiment actions par exemple, il peut, via des fonds, allouer à une stratégie basée sur :
- l'indexation (pure et simple ou dans une version améliorée, "Enhanced Indexing"),
-les valorisations (value),
-la croissance (growth),
-le market timing.

L'investisseur peut également allouer une part importante de son portefeuille à des stratégies de return absolu qui visent à générer un return positif quelles que soient les conditions de marché. Il s'agit bien sûr des hedge funds et des CTA ( Commodity Trading Advisors), mais il est aussi possible à l'investisseur-expert de tenter de répliquer avec plus ou moins de succès la performance moyenne de ces gestionnaires pour son compte propre .
Dans l'absolu, la diversification parfaite selon ce principe signifie investir dans toutes les classes d'actifs qui sont accessibles et, au sein des classes actions, obligations, et return absolu, selon toutes les stratégies valides, et appropriées aux conditions des marchés. La plupart des investisseurs n'ont pas cette possibilité, mais faire usage, même partiel, de cette deuxième dimension dans la diversification permet d'atténuer la volatilité du portefeuille. Une telle diversification a particulièrement prouvé sa valeur dans nos portefeuilles en 2008 et 2009. Les gains extraordinaires de différentes stratégies sur les marchés des changes sont par exemple venus atténuer les effets de la chute (et puis hausse) verticale des bourses et des erreurs d'allocation commises sur les classes d'actifs traditionnelles (ex: pondération réduite des actions à partir de mai 2009) . L'objectif même de l'emploi de stratégies de return absolu est triple : i) générer un return positif quelles que soient les conditions de marché , ce qui implique par extension ii) profiter d'un maximum d'opportunités sur les marchés financiers, ce qui a pour effet d'offrir une certaine iii) protection contre les "black swans", ces événements cataclysmiques et difficiles à prévoir que l'auteur et trader Nassim Taleb appelle cygnes noirs à cause de leur rareté. Au sein du portefeuille , les stratégies de return absolu devraient donc aussi en partie au moins, jouer le rôle d "option sur black swan" que Taleb recommande de détenir dans son portefeuille. Les catégories de hedge funds les plus aptes à remplir ce rôle sont les stratégies "Global Macro", "Multi Strategy" et "Managed Futures".



3) La gestion du risque de chaque position est clé

Il faut distinguer entre allocation stratégique et allocation tactique: la première est quasi immuable et est fonction des objectifs à très long terme de l'investisseur, elle détermine par exemple la proportion minimale de chaque classe d'actifs et les véhicules choisis pour les représenter, la seconde lorsque combinée avec la première, consiste soit en des ajustements temporaires à l'allocation stratégique (surpondération des actions ou au contraire des obligations) soit en des paris directionnels à court et moyen terme sur des classes ou sous-classes particulières. Exemples : les métaux précieux, les secteurs de l'économie, les styles (value, growth, small cap, large cap). Les paris tactiques sont en général risqués et s'avèrent à la longue souvent contre- productifs, particulièrement lorsque executés dans un cadre traditionnel manquant de réactivité aux marchés dont les tendances changent plus rapidement.
Les paris tactiques doivent donc être évités ou très limités dans leur fréquence (entre 0 et 5 par an). Dans le cas où ils sont plus fréquents, le risque de chacun de ces positionnements tactiques doit être géré très activement comme une position de trading.

En règle générale, les titres individuels sont à proscrire dans l'allocation stratégique, on y préférera des fonds de type "core" (fonds indiciels, large caps) couvrant une section la plus large possible de la classe d'actif. Quant aux positionnements tactiques, ils ne devraient jamais risquer plus de 2% ou 3% du portefeuille total, la perte maximale en cas de scénario catastrophe (black swan) ne devrait pas dépasser 5% du portefeuille . Cela veut dire qu'un titre individuel n'excédera jamais 5% du total du portefeuille. Pour déterminer la taille des autres positions tactiques y compris celles faisant appel à l'effet de levier, il faut toujours envisager les conséquences d'un scénario extrême. Quelle est le risque maximal sur cette position ? Jusqu'où le marché peut-il aller ? Ce sont les deux questions à se poser avant d'initier toute transaction.
Un mouvement défavorable extrême de 15% est-il possible durant l'horizon d'investissement à court terme ? Multipliez ce risque par un facteur de 1,5 ou 2 , c'est le risque de mouvement défavorable sur le marché . La perte qui résulterait de ce scénario catastrophe ne devrait pas excéder 5% du portefeuille total.
Le recours à l'analyse technique offre l'avantage de pouvoir déterminer des seuils au-delà desquels la position met en danger le portefeuille, des critères objectifs peuvent être utilisés pour déterminer si la tendance s'est renversée ou non. Ils ne s'avèrent bien sûr pas toujours corrects dans l'identification d'un changement de tendance mais ils permettent de gérer le risque précisément et activement. Une position qui évolue défavorablement peut (et devrait) ainsi être réduite rapidement, de moitié par exemple.
A contrario, si l'on pense ne pas bénéficier d'un point d'entrée idéal, on peut choisir d'entrer le marché avec une position 50% moins importante. Si le marché, évolue défavorablement dans un premier temps pour toucher des seuils clés , on peut alors ajouter à la position avec un nouveau seuil de risque désormais très proche qui permettra de sortir du marché immédiatement si celui-ci continue d'évoluer défavorablement.
En cas d'évolution favorable de la position cette fois-ci, on peut prendre des profits partiels pour s'assurer un coussin de sécurité en cas de brusque renversement de la tendance. Surveiller l'évolution du marché de très près et gérer ainsi activement chaque position, permet de sortir rapidement des paris perdants en limitant les pertes . Lorsque la volatilité est élevée comme ce fut le cas ces dernières années, il devient difficile de surveiller de près l'évolution de plus de cinq positions "tactiques". Un changement de direction majeur pouvant se produire en quelques heures. Des ordres stops peuvent être utilisés pour se protéger d'un "black swan" , ces ordres doivent être placés loin du marché sinon ils risquent d'être touchés par une fluctuation temporaire. Il est crucial toutefois d'avoir en tête un cours-stop qui, si touché vous amènera à liquider la position sans hésitation.


4) " The trend is your friend" . Les marchés peuvent se montrer encore plus irrationnels que vous ne pouvez l'imaginer

C'est John Maynard Keynes qui a dit : "Le marché peut rester irrationnel plus longtemps que vous ne pouvez rester solvable". Ceux qui ont oublié cette célèbre citation pour prendre position à l'encontre de la tendance ont souffert durement en 2009. D'abord à la baisse puis à la hausse, les bourses sont allées plus loin que beaucoup l'avaient imaginé. Incorporer un composant systématique à l' approche d'investissement peut aider l'investisseur actif à rester en phase avec la tendance même si les fondamentaux semblent en contradiction avec les marchés. C'est pourquoi, des stratégies systématiques, agnostiques et opportunistes telles que celles utilisées par les CTA (managed futures) méritent une place importante dans le portefeuille.


5) Le pessimisme obstiné ne paie pas en bourse, les paris à la baisse sont risqués, et la fenêtre d'opportunité pour en profiter est courte

Historiquement les bourses grimpent plus de 60% du temps. Même en 2008, malgré l'effondrement dramatique des marchés, beaucoup d'investisseurs détenant des positions à la baisse (short) ont subi de cuisants revers (et de lourdes pertes) juste avant le krach. L'interférence du gouvernement américain le 19 septembre avec le projet TARP provoqua un rally de plus de 10% à Wall Street. Citigroup par exemple qui était une des cibles favorites des vendeurs à découvert bondit de plus de 75% à $23, anéantissant tous les gains à la baisse depuis le mois de mai 2008. Le titre s'échangea finalement et -assez brièvement -sous $1 en 2009 mais pas sans plusieurs rally furieux de plus de 50% en cours de route. Et que dire de ces pauvres investisseurs qui se ruèrent sur les nouvelles offres de fonds "inverses", censés produire la performance d'une vente à découvert sur les indices, parfois avec un effet de levier ? Beaucoup n'ont pas réalisé que ,comme les petits caractères l'indiquaient, ces instruments vantés par les médias et les experts ne reproduisent que la performance journalière inverse du sous-jacent. Ces investisseurs virent leur investissement de départ rapidement réduit à peau de chagrin et ce malgré la poursuite du déclin entre le 1er janvier et le 9 mars 2009.
Plus tard, à partir du mois d'août, c'est l'ascension verticale des bourses malgré un redressement économique en fin de compte toujours précaire, qui incita certains à prendre des positions à la baisse . Ceux qui n'exercèrent pas suffisamment de contrôle du risque enregistrèrent de très lourdes pertes alors que le marché continuait son ascension inexplicable.
Quant à ceux qui ont liquidé une part importante de leurs holdings d'actions sans attendre un véritable renversement de la tendance, ils regrettent de ne pas avoir assez profité d'un rally boursier unique au cours d'une vie .

6) " Don't fight the Fed". Il ne faut pas sous-estimer la capacité des banques centrales et des gouvernements à créer un rebond plus fort que prévu - même si artificiel- de l'économie et des marchés. L'argument "cette fois-ci, c'est différent" s'est à nouveau avéré incorrect

Les rumeurs de la fin du monde étaient, comme toujours, grandement exagérées, quant à la "Grande Dépression" promise, elle nous a éludés pour cette fois. "Helicopter Ben" n'a pas failli à sa réputation, il l'a même excédée, n'hésitant pas à donner à la Fed un rôle aussi nouveau que controversé en décidant quelles institutions allaient survivre et en prenant au compte de la Fed les actifs sans valeur des banques .
Les gouvernements tels des orgues de Staline économiques ont déchaîné une pluie de mesures de stimulus et ont promis que les grandes banques simplement ne pourront pas faire faillite. Aux Etats-Unis et en Grande Bretagne, le secteur de l'immobilier que l'on espère voir redémarrer, est soutenu artificiellement par un arsenal de mesures destinées à empêcher les nouveaux propriétaires-spéculateurs de perdre leur maison, surtout empêcher un tsunami de ventes forcées qui viendrait affaiblir l'économie et les bilans des banques .
Les taux zéro, l'amendement aux nouvelles règles comptables du mark-to-market, la situation de survente extrême des bourses en mars, la liquidation d'une quantité record de ventes à découvert et l'agressivité des acteurs financiers aux Etats-Unis, notamment les hedge funds, ont certainement contribué au rebond vertical que nous avons observé l'année passée. Wall Street a revigoré les bourses mondiales qui ne se sont jamais "découplées" vu l'internationalisation de la finance et l'ubiquité des hedge funds. Mais beaucoup soupçonnent que ce krach inverse, ce krach à la hausse, soit aussi le résultat de l'intervention secrète des banques centrales peut-être via les banques qui préfèrent utiliser l'argent à taux zéro pour spéculer plutôt que pour accorder des prêts risqués dans l'économie réelle. C'est en tout cas une des théories de conspiration qui circule. Il existe des preuves anecdotiques qu'un tel plan de soutien de la bourse américaine ait existé depuis des décennies. De là à ce qu'il soit exécuté en conjonction avec les autres banques centrales il n'y a qu'un pas à franchir. Trim Tabs, le très respecté institut d'étude des marchés, ne trouve en tout cas aucune explication à la poursuite du rally à partir de l'été, les flux dans les fonds d'actions étant extrêmement réduits, les entreprises ne rachetant pas leurs actions, mais au contraire profitant de la hausse pour lancer de nouvelles émissions. La popularité des comptes d'épargne atteste de la forte aversion des particuliers pour la bourse.
Qu'est ce qui pousse donc les titres vers des plus hauts ? Les hedge funds sont essentiellement des spéculateurs à court et moyen terme et la plupart conservent des vues pessimistes sur la situation économique à long terme. Or aucune correction significative, aucune "prise de profits", n'est venue ralentir l'avance vertigineuse des bourses. Devant ces incohérences, il n'est pas surprenant que beaucoup d'investisseurs aient fait l'erreur de ne pas participer pleinement au rally.

La prochaine fois, ils se rappelleront ces trois dernières leçons:

The trend is your friend , le pessimisme obstiné ne paie pas, Don't fight the Fed.
(1) Source: Morningstar