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jeudi 9 décembre 2010

Flash Crash II ! Le retour

Le krach éclair du 6 mai 2010, contrairement à ce qui fut présenté dans les médias, était un krach à part entière, survenu à la suite d'une hausse quasi verticale des cours depuis le 10 mars 2009 date à laquelle le marché démarra un rebond inévitable. Ce rebond s'avéra extrêmement puissant, entamant une deuxième phase en juillet 2009 , effaçant ainsi sur les bourses américaines l'entièreté du déclin survenu lors du grand krach de 2008. Un krach inversé en quelque sorte, à la hausse cette fois. En neuf mois, la capitalisation de la bourse US a augmenté de 6000 milliards. Les raisons de ce revirement sidérant qui a ramené en un an les indices aux niveaux d'avant l'effondrement de Lehman - après que la majorité des investisseurs ont réalisé des pertes - ont été débattues par les analystes, mais pas assez sans doute. Le secteur de la finance en général étant bien trop content de ce miraculeux revers de fortune pour jeter des doutes sur sa légitimité économique.
Certains analystes comme Charles Biderman de TrimTabs qui se spécialise dans l’analyse des flux d’investissement sur les marchés financiers, ont avancé la théorie que le formidable rally de l’année 2009 , devait avoir été secrètement orchestré par la Réserve Fédérale qui se serait mise à faire des achats dans le marché - sans doute en concertation avec d’autres banques centrales vu la hausse d’autres bourses. Aussi incroyable et farfelue que puisse sembler cette accusation ( il existe des indices probants que de telles dispositions existent depuis des décennies au sein de la Fed qui procéderait en concertation avec les banques) , il n’existe selon TrimTabs aucune explication à la remontée en flèche des actions dans la deuxième partie de 2009, les apports de liquidités dans les fonds d’investissement étant restés insignifiants tout au long de l’année et ne pouvant en aucune façon supporter la hausse des cours . De même cette année , les fonds d’actions ont enregistré des retraits et non des apports.

Les marchés ont certainement été soutenus artificiellement par les opérations non conventionnelles de la Fed visant à débloquer la crise du crédit : élargissement du type de collatéral admis pour le soutien aux banques, taux à zéro et ensuite détente quantitative.
A partir d’août 2009, la bourse commença à refléter essentiellement l’activité d’ éléments spéculatifs. Par exemple, le marché était brusquement poussé à la hausse en cours de session par des traders pourchassant des cassures de plus haut des cours.
Ces participants, généralement des daytraders, se manifestent en général ainsi dans une hausse qui parvient à maturité , et qui s’apprête à subir une correction, particulièrement si la hausse fut verticale jusque là. Ces players à court terme ont souvent l’effet de créer une poche d’air là où ils sont passés, ils portent les cours à la hausse pendant un temps, et d’autres investisseurs encouragés par la hausse font leur entrée à des niveaux supérieurs.
La hausse ayant des fondations spéculatives, lorsque le marché se renverse, les derniers arrivés (souvent en nombre) découvrent qu’il n’y a aucun support aux cours. Néanmoins, le marché continua à grimper. La course à la performance de la part de hedge funds aux abois au creux de 2009, la panique de certains investisseurs sous-investis en actions (et ayant vendu aux plus bas) ont sans aucun doute alimenté une poursuite de la hausse en fin d’année.
Un autre facteur a peut-être contribué au maintien des cours : le trading à haute fréquence. On a beaucoup parlé de ces nouveaux acteurs, en particulier depuis le krach éclair dont ils ont été accusés d’être la cause. Ces programmeurs qui utilisent des systèmes informatiques achetant et vendant des milliers de fois dans la journée - exploitant souvent des failles du système pour placer leurs ordres avant les autres- ont certainement contribué à ce que j’appelle la « lemmingisation » des marchés, c’est-à dire un phénomène par lequel les fortes tendances se trouvent perpétuées et renforcées pour atteindre des niveaux extrêmes, jusqu’à ce qu’un renversement tout aussi extrême survienne.
Il est certain que les traders à haute fréquence par leur activité d’apporteurs de liquidité contribuent à soutenir le marché, leurs algorithmes suspectés d’être similaires pour une grande partie d’entre eux, les placent aussi du côté de la tendance du moment.
Les « high frequency (HF)traders » sont de plus en plus nombreux (les taux à zéro et une technologie aisément accessible y contribuent fortement) , et ils sont ouverts 24h sur 24 sur tous les marchés. On estime aujourd'hui que plus de 50% du volume d'échange sur les bourses de New York est issu des seuls HF traders . Sur les bourses, leur liquidité semble toujours là pour soutenir le marché. Lorsqu’ils disparaissent par contre comme lors du krach éclair, les investisseurs ont découvert qu’il n’y a –presque- plus personne pour acheter et vendre . C’est pourquoi des titres comme Procter & Gamble et Accenture s’échangèrent très brièvement ce jour- là à des cours 99% plus bas que le cours de la veille alors que quelques titres comme Apple s’échangèrent à 100 000 dollars!
Le Flash Crash révéla en fait l’ampleur de la manipulation et de l’artificialité des marchés d’aujourd’hui. Un état de fait dont nombre de professionnels sont conscients mais dont ils ne parlent en général qu’en privé. Dans les médias, le cynisme ambiant a pris le dessus : aussi longtemps que la Fed maintient sa politique ultra accommodante qui semble maintenant devoir persister encore un an voire deux , la fête peut continuer et il faut acheter des deux mains.

Le krach éclair fut attribué d’abord à une erreur humaine dans une transaction sur le titre Procter& Gamble, ensuite on a parlé de problèmes techniques sur les bourses de New York , de technologies nouvelles qui présentaient des failles et dont il fallait mieux réglementer l’utilisation. On a évoqué un important vendeur ( Waddel Reed, un gérant de fonds) de contrats futures (75 000 contrats pour une valeur notionelle de 4 milliards), une transaction pourtant habituelle pour cette institution. Perdu dans tout cela, l’explication la plus évidente mais que personne n’a vraiment intérêt à dire tout haut: avec le retour des bulles, il faut s’attendre au retour des krachs ! Des krachs exacerbés par les nouveaux lemmings des marchés. Il y avait les « suiveurs de tendance » qui sont des acteurs à moyen terme sur les marchés à terme, il y a désormais les traders à haute fréquence, appellation sous laquelle on peut englober les programmes hyper actifs agissant sur plusieurs marchés, exploitant les relations entre ceux-ci. Durant le flash crash du 6 mai en effet, nombres d’autres marchés furent pris simultanément de violents soubresauts alors que les programmes informatiques de ces nouveaux traders réagissaient en temps réel à la chute de New York. Les taux s’effondrèrent, l’or grimpa fortement et les devises à haut rendement s’effondrèrent. Un véritable jeu de dominos, avant-goût de la prochaine crise, qui met en évidence le risque systémique engendré par des politiques monétaires encourageant le tout à la spéculation. L’enquête de la SEC et de la CFTC sur les causes du Flash Crash a conclu que les HF traders ont contribué à la chute abrupte de la bourse en se mettant d’abord à vendre agressivement lors du déclin puis en se retirant soudainement du marché. Les problèmes techniques sur différentes bourses suite à l’accélération dantesque du flux des données , le retrait des teneurs de marché humains qui s’ensuivit, firent le reste .

L’histoire montre que les marchés ont tendance à répéter pendant un temps les phénomènes observés dans le passé récent, avant qu’une autre tendance de fond ne change la marche suivie. Il est donc raisonnable de s’attendre à un nouvel événement similaire au krach éclair. Des mesures ont été prises par les bourses et les régulateurs pour éviter une répétition du flash crash et redonner confiance aux investisseurs particuliers , à juste titre méfiants aujourd’hui vis-à-vis des marchés financiers.
Aux Etats-Unis , des « circuit breakers » ont temporairement été instaurés sur les titres , actions et ETF, s’échangeant sur le Nasdaq , le NYSE et les ECN. Ils fonctionnent un peu comme ceux en vigueur sur les indices depuis le krach de 1987. Si le cours d’une action varie de 10% en 5 minutes, les échanges sont arrêtés pendant 5 minutes. Ces mesures seront prolongées pour 4 mois supplémentaires- elles devaient prendre fin ce vendredi 10 décembre- le temps que la SEC développe en collaboration avec les bourses des règles plus élaborées destinées à prévenir un autre krach. Un système de bande de prix au sein de laquelle un titre peut évoluer librement sur le modèle de ce qui se pratique depuis longtemps sur les marchés à terme est en passe de recueillir le consensus . Si un titre devait varier trop fortement durant la session, une limite à la baisse (ou à la hausse) serait déclenchée et seuls des échanges endéans la limite de prix pourraient prendre place durant une période déterminée.
Ces mesures si elles sont adoptées s’accompagneront de graves inconvénients bien sûr. Lorsqu’une société cotée fait l’objet de nouvelles importantes influençant son cours, il ne sera souvent plus possible d’échanger son titre avant que celui-ci ne rouvre à la cotation à un niveau largement inférieur ou supérieur. Ceci nuit à la fluidité et à l’équité des échanges . Les investisseurs devraient pouvoir traiter en tout temps sur les titres du marché. Un système forçant un passage au traitement manuel des ordres serait sans doute préférable , bien que ce type de traitement n’est pas sans défaut non plus. En 1987, durant le krach les teneurs de marché des banques cessèrent de répondre aux appels de leurs clients qui désiraient vendre. Les specialists du NYSE (market makers) firent de même le 6 mai, ils ont éteint leurs systèmes d’exécution automatique et se sont croisé les bras.
Malgré ces mesures, un nouveau flash crash est probable. Un nouveau krach sera sans doute plus prononcé sur les marchés qui par la force des choses peuvent être difficilement bridés par les régulateurs : le marché des changes et les marchés obligataires (qui eux s’envoleraient à nouveau sans doute), les métaux précieux.
Quand faut-il s’attendre à cette nouvelle secousse des marchés ? Incessamment peut-être, bientôt probablement. Le flash crash du 6 mai n’était sans doute que la première secousse d’un lent mouvement de renversement des marchés boursiers. Ces premières secousses comme on peut l’observer lors des derniers krachs se produisent à approximativement 1 an, 6 mois, puis 3 mois d’intervalle au fur et à mesure de l’avancement de la phase de plateau et de retournement (voir graphiques). Elles constituent donc souvent des avertissements pour les investisseurs. Six mois se sont écoulés depuis le krach éclair. Les mesures anti -krach viennent d’être reconduites, ceci pourrait singulièrement sonner l’heure d’une nouvelle panique. Bien sûr ceci relève de la spéculation pure, basée sur l’expérience et l’observation des marchés, et les facteurs saisonniers jouent à l’encontre d’un tel scénario, mais il vaut sans doute la peine d’envisager la possibilité d’un tel événement.










Comment s’en protéger ? Il y a différentes manières de se protéger et de profiter d’un nouveau krach éclair. On peut bien sûr choisir de sortir du marché. Mais tout vendre est rarement une bonne idée, car on a rarement raison exactement au bon moment.
Si l’on maintient un portefeuille d’actions, on peut vendre des calls sur ses holdings, de manière à générer un rendement supplémentaire . Les primes encaissées créeront un coussin de sécurité , insuffisant toutefois si le marché devait chuter fortement. Les titres seront aussi abandonnés en cas de hausse continue des cours.
Une autre solution consiste bien sûr à faire l’achat d’options put sur les indices ou sur des ETF indiciels. La volatilité implicite des options est très basse reflétant l'absence de peur dans le marché, comme indiquée par le VIX, et donc cette protection est aujourd’hui très bon marché. C’est ce que nous avons fait en achetant le put sur le S&P 500 Trust, prix d’exercice $115, expiration Mars 2011. C’était sans doute une erreur, car le cours du put a perdu 50 % en l’espace de quelques jours suite au violent rally de la semaine dernière. C’est là le risque des options, mais ce risque est limité à la prime.

Enfin, les investisseurs plus sophistiqués- et téméraires- peuvent vendre les devises à haut rendement que sont le dollar australien et le dollar néo-zélandais contre le dollar US. Mais ceci comporte un inconvénient, une telle position souffrira d’un coût de portage élevé à cause du différentiel d’intérêt entre les deux devises, en particulier sur le couple AUD/USD. Nous avons commencé à initier de telles positions ces derniers jours en prévision d’une correction. Correction qui jusqu’à présent se fait attendre.
Mais ces devises souffriront - au moins temporairement – lors d’une correction. Privilégiées par les « carry traders » qui s’y intéressent à cause de leur rendement, elles font toujours l’objet d’une liquidation massive lorsque le goût du risque diminue chez les investisseurs.