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lundi 30 novembre 2009

Perspectives 2010





Une nouvelle crise se prépare


Le capitalisme anglo-saxon a perdu sa légitimité lors de la crise de 2008, c'est la survie-même du modèle qui sera en jeu dans la prochaine décennie alors qu'une nouvelle crise s'abattra sur l'économie mondiale.


En d'autres temps sans doute, fait remarquer un internaute sur SeekingAlpha.com, le peuple en Amérique, en Grande Bretagne et ailleurs, aurait déjà pris les armes pour mettre fin à ce que beaucoup considèrent comme le plus grand vol organisé et voté en lois, de tous les temps. Mais voilà, continue ce même internaute, le peuple est tenu occupé par son baladeur MP3 et la TV réalité.
Il faut dire que la crise lui a été expliquée , les solutions toutes trouvées (intervention massive des Etats) et les responsables tout aussi vite désignés (les banquiers, les "traders", les spéculateurs "qui ne produisent rien") .
Les politiciens ont rassuré, se sont présentés en sauveurs de l'emploi ou en justiciers face aux "abus". L'attentisme des années fastes a fait place dans la panique au populisme, et à l'opportunisme. A gauche comme à droite on parle de taxe Tobin, de réglementations plus strictes, de limitations des bonus chez les banques.

Une nouvelle donne si l'on en croit les politiques, mais qui élude toutefois la vraie question et qui de façon très commode s'attaque aux symptômes plutôt qu'aux véritables causes du mal. Car les vrais responsables de la crise sont toujours en place: les banques centrales, menées par la Réserve Fédérale américaine, un cartel opérant de manière "semi-autonome "au service du secteur bancaire, mènent le monde à une nouvelle catastrophe économique.


Le risque systémique s'est accru

Pourtant les voix commencent à s'élever contre la voie actuellement choisie par le FOMC , le comité chargé de la politique monétaire de la Fed, présidé par Ben Bernanke, ancien disciple et "yes man" de Maestro Greenspan - l'homme qui porte sans doute le plus de responsabilité dans la crise actuelle . Ce ne sont plus seulement les habituels outsiders qui critiquent la Fed:
le Nobel d'économie Joseph Stiglitz fustige ses mensonges, Roubini avertit des grands risques posés par les taux à zéro, Eliot Spitzer, ancien Attorney General puis gouverneur déchu de New York et défenseur des épargnants face aux abus de Wall Street, parle de chaîne de Ponzi au profit des banques, l'hebdomadaire Barron's récemment appelait Bernanke à relever les taux.
Un projet de loi réformant la Fed , à l'initiative du conservateur texan Ron Paul qui milite pour l'abolition de la banque centrale (et le retour à une monnaie saine), s'est attiré le soutien d'une bonne partie du Congrès.
Face à cette remise en question qui se fait pressante, la Fed, par le biais d'interventions de ses gouverneurs et de lobbyistes, fait campagne pour défendre son "indépendance". Le secret qui entoure ses opérations, rétorquent ses détracteurs . Et malgré les critiques qui l'accusent de répéter les erreurs de 2003 , lorsque Greenspan maintint les taux à 1% pendant plus d'un an, les membres du FOMC se bousculent pour affirmer leur garantie quasi-inconditionnelle de taux à zéro pour longtemps, tout en reconnaissant que l'impact de cette politique sur l'emploi sera faible.
Incompétence ou duplicité, les banquiers centraux ne voient que peu de risque de relèvement des prévisions d'inflation (aussi longtemps que les hausses salariales ne pointent pas à l'horizon, tout le reste peut augmenter), d'effondrement du dollar (celui-ci peut chuter pourvu qu'on évite la panique) , ou de nouvelles bulles spéculatives (trop difficiles à identifier si ce n'est à posteriori) . Jusqu'ici le but inavoué de la Fed en maintenant le taux directeur à 0.25% , initialement une mesure d'urgence temporaire, fut de promouvoir une hausse artificielle de la valeur des actifs en forçant les investisseurs à prendre des risques. La Fed est le plus grand spéculateur et force tout le monde à spéculer se plaît à répéter Marc Faber, un des nombreux experts ayant prédit cette crise que beaucoup d'investisseurs ont vu arriver.
Une forte hausse des valorisations des entreprises et des banques en particulier, a ainsi permis à celles-ci de se recapitaliser à bon compte.
Avec la perception que le pire était passé et le rendement réel négatif des liquidités (les statistiques sous-estiment l'inflation et le "core CPI" est resté positif), les émissions obligataires ont atteint des records, renflouant nombre de bilans en difficultés. A certains égards, le va-tout des banques centrales et des gouvernements a été bénéfique, jusqu'à présent . Mais les banques centrales ont simplement regonflé les bulles du passé avec la garantie d'un nouveau choc des marchés dans le futur. L'immobilier américain par lequel la crise a commencé continue d'être soutenu artificiellement alors que les défauts des ménages augmentent , s'étendant aux hypothèques non subprime. L'immobilier commercial est en proie à de sérieuses difficultés . Pire, le risque systémique s'est également accru avec la forte concentration du secteur bancaire.

Il faut donc s'attendre à une nouvelle crise, celle-ci pourrait débuter incessamment. Son déclencheur semblait jusqu'à présent absent, les difficultés de Dubai, symptomatiques de la méga-bulle du crédit de 2003-2006 pourraient constituer le premier domino d'une nouvelle panique, dans les pays émergents cette fois. A moins que cela ne soit la chute du dollar qui s'accélère avec ses conséquences catastrophiques . Une chose est certaine, les banques centrales ont à nouveau créé une bulle monumentale et son implosion est inévitable. Elles risquent de se trouver à court de munitions lorsque l'appétit pour le risque s'évanouit aussi vite qu'il est réapparu en mars dernier.


Les bulles spéculatives sont identifiables essentiellement non pas par des valorisations excessives (celles-ci sont toujours rationalisées) mais par le comportement exubérant des investisseurs et surtout le rythme de l'appréciation des actifs à la lumière de l'histoire.

Or l'exubérance est plus que jamais de retour, sur tous les marchés depuis l'été passé. Les bourses, comme les marchés obligataires, comme les matières premières, laissent leurs observateurs perplexes devant leur déconnexion avec les réalités des fondamentaux. Les cours du baril de brut à New York, évoluent minute par minute non pas selon les facteurs propres aux marchés de l'énergie mais selon les fluctuations des futures sur le S&P500 . Les opérateurs des marchés des change scrutent ce même S&P500 pour anticiper le cours du dollar. Car c'est principalement le "carry trade" par lequel les investisseurs empruntent à taux zéro (en dollar US, yen ou franc suisse) qui alimente cette orgie de spéculation sans précédent. La Fed a fait des marchés le plus grand casino du monde. Le FOMC a pourtant eu maintes opportunités pour tenter de tempérer ces excès. Ses membres auraient pu signaler la fin prochaine des mesures exceptionnelles d'urgence prises en 2008, un possible relèvement des taux vers 1% dans la deuxième moitié de 2010, ainsi qu' une fin graduelle à la politique de détente quantitative.
De manière ironique et affligeante, les minutes de la dernière réunion du FOMC, font bel et bien mention de la "possibilité que quelques effets négatifs puissent résulter des taux très bas sur une longue période, y compris la possibilité de prises de risque excessives sur les marchés ou de hausse des attentes sur l'inflation" !



Apple Computer (mensuel depuis 2001)


Sur les marchés, la bulle a déjà sans doute atteint le stade de maturité, le Nasdaq Composite a grimpé de 74% depuis son plus bas, avec 7 mois consécutifs de gains cette année. Ce genre de performance extrêmement rare mène toujours à une forte correction. Apple Computer, par exemple, a enregistré neuf mois de gains consécutifs avec forte expansion du "range" sur le mois (ouverture et clôture du mois) en 6 occasions. Cette avance insoutenable, caractéristique des bulles, pourrait finaliser un double top sur le graphique. Des progressions similaires des cours sont observables sur toutes les bourses, et sur les marchés des changes pris par la fièvre du carry trade. Les marchés émergents sont les plus vulnérables, ayant connu des avancées plus extrêmes encore. Un classique: les marchés leaders qui tombent le plus fort, rebondissent souvent le plus fort lors d'une correction. Car ce rally alimenté par un short-squeeze phénoménal cet été, sans réel nouveau leadership (les titres leaders sont ceux du passé) et au volume en déclin est une correction après le krach de 2008, ou le début de plusieurs années de larges fluctuations. Une nouvelle chute des cours est inévitable. Une nouvelle crise donc. Celle-ci sans doute sera plus lente à se développer, car les élites corrompues à Washington et ailleurs telles que dénoncées par Simon Johnson , ancien économiste en chef du FMI(1) , feront tout pour sauver les intérêts de l'oligarchie financière. Le capitalisme d'aujourd'hui, les banques centrales et leur création illimitée de monnaie survivront-t-ils à cette nouvelle crise ? Rien n'est moins sûr .

(1) Simon Johnson, The Quiet Coup , The Atlantic magazine, May 2009