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dimanche 17 janvier 2010

Les leçons de l'année 2009



Année de tous les dangers , 2009 apparaît aujourd'hui rétrospectivement comme "l'année zéro danger" où il suffit, pour être un génie, de se prendre pour Jim Cramer, hedge fund manager reconverti en animateur de l'émission Mad Money sur CNBC et de presser sur un bouton en criant BUY ! BUY ! BUY ! Mais pour ceux à qui il manque une boule de cristal et qui n'ont donc pas fait le plein d'actions et d'actifs à risque en mars dernier (pour ensuite les conserver jusqu'à aujourd'hui), l'année 2009 apporte son lot de leçons riches en enseignements. Aussi précieuses que soient ces leçons, certaines ne pourront être réellement mises à profit que lors d'un autre cycle de marché, une raison de plus pour les graver en mémoire une fois pour toutes.


1) Résister à la tentation de changer de plan d'investissement et d'allocation à la suite d'une chute des marchés

Modifier la structure de son portefeuille telle qu'elle fut décidée en accord ave ses objectifs de long terme est rarement une bonne idée. A fortiori lorsqu'on le fait à cause d'une baisse dramatique des cours. Beaucoup d'épargnants et d'investisseurs professionnels ont fait cette erreur en 2009.
Les caisses de retraite ont repensé leur allocation aux actions alors que les bourses étaient proches des plus bas, la notion même d'investissement à long terme dans les actions a été réexaminée par beaucoup de particuliers qui avaient cru à cette approche. Cette réaction est compréhensible, le krach de 2008 fut à maints égards, sans équivalent dans l'histoire boursière. Fin 2008, beaucoup d'experts prophétisaient la fin du système financier actuel ou le début d'une ère nouvelle, une "nouvelle norme " caractérisée par une économie anémique . Cette possibilité n'est d'ailleurs toujours pas complètement écartée. La crainte d'une Grande Dépression répandue par la presse économique, la peur de pertes plus importantes encore, ont nul doute amené beaucoup de particuliers à quitter les bourses pour ne plus y remettre les pieds.
Les émotions sont le pire ennemi de l'investisseur et celles-ci ont tendance à prendre le dessus lorsque les marchés atteignent des extrêmes. C'est pourquoi il est crucial de bien examiner son plan d'investissement (son allocation) à sa création, et d'envisager les conséquences de scénarios extrêmes non seulement sur la valeur de son portefeuille mais sur son bien-être mental. A cet égard, la plupart d'entre nous ont tendance à surestimer notre capacité à endurer temporairement des pertes élevées.
Pour ceux qui reconnaissent leur faible tolérance aux pertes, il existe différentes alternatives au portefeuille traditionnel réparti principalement entre actions et d'obligations: allocation réduite aux actions, market timing,
stratégies de return absolu. On peut débattre du bien-fondé de ces alternatives, mais une fois que l'on a fait son choix d'allocation, il n'est jamais recommandé de le changer en cours de route, et certainement pas au pire moment, juste après une baisse historique des marchés quand il faut plutôt ajouter à ses holdings d'actions .
Pour mieux endurer les périodes de baisse des marchés et s'en tenir à la stratégie adoptée, il faut savoir se détacher de l'influence des médias, des analystes et des économistes. Un exercice difficile pour ceux qui veulent se tenir constamment informés des nouvelles financières.



2) Rester diversifié

Fin 2008, les investisseurs ont fui les actions et les hedge funds. Après l'affaire Madoff et la plus mauvaise année en termes de performances pour la gestion alternative, la fin d'un certain âge d'or des hedge funds fut même proclamée. C'est vers les comptes d'épargne que l'argent des particuliers a migré en masse et les apports de ces derniers dans les fonds de placement actions restèrent très faibles durant toute l'année 2009. Les actions et les hedge funds ont ensuite enregistré des performances records en 2009, de façon ironique mais classique aussi, même si le rebond d'une année à l'autre fut exceptionnel. Les hedge funds en moyenne ont réalisé leur meilleure performance depuis 10 ans selon Hedge Fund Research (20.04%).
Quant aux bourses, il faut remonter à l'année 2003 pour trouver des performances plus spectaculaires encore.
Les actifs mal aimés d'aujourd'hui seront les actifs recherchés de demain, ce principe fondamental s'est rappelé à notre bon souvenir en 2009 et de quelle manière ! C'est pourquoi, quel que soit son profil d'investisseur, et quel que soit l'état des marchés, il est préférable de toujours détenir une part d' actions dans son portefeuille en reconnaissant que prédire les performances futures des bourses est un exercice frustrant . Une autre illustration des bienfaits du principe de diversification fut la performance des obligations: en 2009 les bons d'Etat enregistrèrent une performance décevante après des performances spectaculaires en 2008. A l'opposé les rendements élevés des obligations corporate dont les cours étaient au plus bas en automne 2008 attirèrent les investisseurs en masse malgré les risques de défaut désormais plus élevés . Les obligations corporate qui souffrirent en 2008 chutant en moyenne d'un peu plus de 7% pour la zone Euro , offrirent en 2009 une performance exceptionnelle, la moyenne des fonds de la catégorie étant en hausse de plus de 16% (1) .

La cause principale de la mauvaise performance relative d'un portefeuille est le manque de diversification. Traditionnellement, la diversification signifie l'exposition à différentes classes d'actifs, mais l'investisseur peut aller encore plus loin en diversifiant parmi différentes stratégies ou styles au sein de ces classes. Dans le compartiment actions par exemple, il peut, via des fonds, allouer à une stratégie basée sur :
- l'indexation (pure et simple ou dans une version améliorée, "Enhanced Indexing"),
-les valorisations (value),
-la croissance (growth),
-le market timing.

L'investisseur peut également allouer une part importante de son portefeuille à des stratégies de return absolu qui visent à générer un return positif quelles que soient les conditions de marché. Il s'agit bien sûr des hedge funds et des CTA ( Commodity Trading Advisors), mais il est aussi possible à l'investisseur-expert de tenter de répliquer avec plus ou moins de succès la performance moyenne de ces gestionnaires pour son compte propre .
Dans l'absolu, la diversification parfaite selon ce principe signifie investir dans toutes les classes d'actifs qui sont accessibles et, au sein des classes actions, obligations, et return absolu, selon toutes les stratégies valides, et appropriées aux conditions des marchés. La plupart des investisseurs n'ont pas cette possibilité, mais faire usage, même partiel, de cette deuxième dimension dans la diversification permet d'atténuer la volatilité du portefeuille. Une telle diversification a particulièrement prouvé sa valeur dans nos portefeuilles en 2008 et 2009. Les gains extraordinaires de différentes stratégies sur les marchés des changes sont par exemple venus atténuer les effets de la chute (et puis hausse) verticale des bourses et des erreurs d'allocation commises sur les classes d'actifs traditionnelles (ex: pondération réduite des actions à partir de mai 2009) . L'objectif même de l'emploi de stratégies de return absolu est triple : i) générer un return positif quelles que soient les conditions de marché , ce qui implique par extension ii) profiter d'un maximum d'opportunités sur les marchés financiers, ce qui a pour effet d'offrir une certaine iii) protection contre les "black swans", ces événements cataclysmiques et difficiles à prévoir que l'auteur et trader Nassim Taleb appelle cygnes noirs à cause de leur rareté. Au sein du portefeuille , les stratégies de return absolu devraient donc aussi en partie au moins, jouer le rôle d "option sur black swan" que Taleb recommande de détenir dans son portefeuille. Les catégories de hedge funds les plus aptes à remplir ce rôle sont les stratégies "Global Macro", "Multi Strategy" et "Managed Futures".



3) La gestion du risque de chaque position est clé

Il faut distinguer entre allocation stratégique et allocation tactique: la première est quasi immuable et est fonction des objectifs à très long terme de l'investisseur, elle détermine par exemple la proportion minimale de chaque classe d'actifs et les véhicules choisis pour les représenter, la seconde lorsque combinée avec la première, consiste soit en des ajustements temporaires à l'allocation stratégique (surpondération des actions ou au contraire des obligations) soit en des paris directionnels à court et moyen terme sur des classes ou sous-classes particulières. Exemples : les métaux précieux, les secteurs de l'économie, les styles (value, growth, small cap, large cap). Les paris tactiques sont en général risqués et s'avèrent à la longue souvent contre- productifs, particulièrement lorsque executés dans un cadre traditionnel manquant de réactivité aux marchés dont les tendances changent plus rapidement.
Les paris tactiques doivent donc être évités ou très limités dans leur fréquence (entre 0 et 5 par an). Dans le cas où ils sont plus fréquents, le risque de chacun de ces positionnements tactiques doit être géré très activement comme une position de trading.

En règle générale, les titres individuels sont à proscrire dans l'allocation stratégique, on y préférera des fonds de type "core" (fonds indiciels, large caps) couvrant une section la plus large possible de la classe d'actif. Quant aux positionnements tactiques, ils ne devraient jamais risquer plus de 2% ou 3% du portefeuille total, la perte maximale en cas de scénario catastrophe (black swan) ne devrait pas dépasser 5% du portefeuille . Cela veut dire qu'un titre individuel n'excédera jamais 5% du total du portefeuille. Pour déterminer la taille des autres positions tactiques y compris celles faisant appel à l'effet de levier, il faut toujours envisager les conséquences d'un scénario extrême. Quelle est le risque maximal sur cette position ? Jusqu'où le marché peut-il aller ? Ce sont les deux questions à se poser avant d'initier toute transaction.
Un mouvement défavorable extrême de 15% est-il possible durant l'horizon d'investissement à court terme ? Multipliez ce risque par un facteur de 1,5 ou 2 , c'est le risque de mouvement défavorable sur le marché . La perte qui résulterait de ce scénario catastrophe ne devrait pas excéder 5% du portefeuille total.
Le recours à l'analyse technique offre l'avantage de pouvoir déterminer des seuils au-delà desquels la position met en danger le portefeuille, des critères objectifs peuvent être utilisés pour déterminer si la tendance s'est renversée ou non. Ils ne s'avèrent bien sûr pas toujours corrects dans l'identification d'un changement de tendance mais ils permettent de gérer le risque précisément et activement. Une position qui évolue défavorablement peut (et devrait) ainsi être réduite rapidement, de moitié par exemple.
A contrario, si l'on pense ne pas bénéficier d'un point d'entrée idéal, on peut choisir d'entrer le marché avec une position 50% moins importante. Si le marché, évolue défavorablement dans un premier temps pour toucher des seuils clés , on peut alors ajouter à la position avec un nouveau seuil de risque désormais très proche qui permettra de sortir du marché immédiatement si celui-ci continue d'évoluer défavorablement.
En cas d'évolution favorable de la position cette fois-ci, on peut prendre des profits partiels pour s'assurer un coussin de sécurité en cas de brusque renversement de la tendance. Surveiller l'évolution du marché de très près et gérer ainsi activement chaque position, permet de sortir rapidement des paris perdants en limitant les pertes . Lorsque la volatilité est élevée comme ce fut le cas ces dernières années, il devient difficile de surveiller de près l'évolution de plus de cinq positions "tactiques". Un changement de direction majeur pouvant se produire en quelques heures. Des ordres stops peuvent être utilisés pour se protéger d'un "black swan" , ces ordres doivent être placés loin du marché sinon ils risquent d'être touchés par une fluctuation temporaire. Il est crucial toutefois d'avoir en tête un cours-stop qui, si touché vous amènera à liquider la position sans hésitation.


4) " The trend is your friend" . Les marchés peuvent se montrer encore plus irrationnels que vous ne pouvez l'imaginer

C'est John Maynard Keynes qui a dit : "Le marché peut rester irrationnel plus longtemps que vous ne pouvez rester solvable". Ceux qui ont oublié cette célèbre citation pour prendre position à l'encontre de la tendance ont souffert durement en 2009. D'abord à la baisse puis à la hausse, les bourses sont allées plus loin que beaucoup l'avaient imaginé. Incorporer un composant systématique à l' approche d'investissement peut aider l'investisseur actif à rester en phase avec la tendance même si les fondamentaux semblent en contradiction avec les marchés. C'est pourquoi, des stratégies systématiques, agnostiques et opportunistes telles que celles utilisées par les CTA (managed futures) méritent une place importante dans le portefeuille.


5) Le pessimisme obstiné ne paie pas en bourse, les paris à la baisse sont risqués, et la fenêtre d'opportunité pour en profiter est courte

Historiquement les bourses grimpent plus de 60% du temps. Même en 2008, malgré l'effondrement dramatique des marchés, beaucoup d'investisseurs détenant des positions à la baisse (short) ont subi de cuisants revers (et de lourdes pertes) juste avant le krach. L'interférence du gouvernement américain le 19 septembre avec le projet TARP provoqua un rally de plus de 10% à Wall Street. Citigroup par exemple qui était une des cibles favorites des vendeurs à découvert bondit de plus de 75% à $23, anéantissant tous les gains à la baisse depuis le mois de mai 2008. Le titre s'échangea finalement et -assez brièvement -sous $1 en 2009 mais pas sans plusieurs rally furieux de plus de 50% en cours de route. Et que dire de ces pauvres investisseurs qui se ruèrent sur les nouvelles offres de fonds "inverses", censés produire la performance d'une vente à découvert sur les indices, parfois avec un effet de levier ? Beaucoup n'ont pas réalisé que ,comme les petits caractères l'indiquaient, ces instruments vantés par les médias et les experts ne reproduisent que la performance journalière inverse du sous-jacent. Ces investisseurs virent leur investissement de départ rapidement réduit à peau de chagrin et ce malgré la poursuite du déclin entre le 1er janvier et le 9 mars 2009.
Plus tard, à partir du mois d'août, c'est l'ascension verticale des bourses malgré un redressement économique en fin de compte toujours précaire, qui incita certains à prendre des positions à la baisse . Ceux qui n'exercèrent pas suffisamment de contrôle du risque enregistrèrent de très lourdes pertes alors que le marché continuait son ascension inexplicable.
Quant à ceux qui ont liquidé une part importante de leurs holdings d'actions sans attendre un véritable renversement de la tendance, ils regrettent de ne pas avoir assez profité d'un rally boursier unique au cours d'une vie .

6) " Don't fight the Fed". Il ne faut pas sous-estimer la capacité des banques centrales et des gouvernements à créer un rebond plus fort que prévu - même si artificiel- de l'économie et des marchés. L'argument "cette fois-ci, c'est différent" s'est à nouveau avéré incorrect

Les rumeurs de la fin du monde étaient, comme toujours, grandement exagérées, quant à la "Grande Dépression" promise, elle nous a éludés pour cette fois. "Helicopter Ben" n'a pas failli à sa réputation, il l'a même excédée, n'hésitant pas à donner à la Fed un rôle aussi nouveau que controversé en décidant quelles institutions allaient survivre et en prenant au compte de la Fed les actifs sans valeur des banques .
Les gouvernements tels des orgues de Staline économiques ont déchaîné une pluie de mesures de stimulus et ont promis que les grandes banques simplement ne pourront pas faire faillite. Aux Etats-Unis et en Grande Bretagne, le secteur de l'immobilier que l'on espère voir redémarrer, est soutenu artificiellement par un arsenal de mesures destinées à empêcher les nouveaux propriétaires-spéculateurs de perdre leur maison, surtout empêcher un tsunami de ventes forcées qui viendrait affaiblir l'économie et les bilans des banques .
Les taux zéro, l'amendement aux nouvelles règles comptables du mark-to-market, la situation de survente extrême des bourses en mars, la liquidation d'une quantité record de ventes à découvert et l'agressivité des acteurs financiers aux Etats-Unis, notamment les hedge funds, ont certainement contribué au rebond vertical que nous avons observé l'année passée. Wall Street a revigoré les bourses mondiales qui ne se sont jamais "découplées" vu l'internationalisation de la finance et l'ubiquité des hedge funds. Mais beaucoup soupçonnent que ce krach inverse, ce krach à la hausse, soit aussi le résultat de l'intervention secrète des banques centrales peut-être via les banques qui préfèrent utiliser l'argent à taux zéro pour spéculer plutôt que pour accorder des prêts risqués dans l'économie réelle. C'est en tout cas une des théories de conspiration qui circule. Il existe des preuves anecdotiques qu'un tel plan de soutien de la bourse américaine ait existé depuis des décennies. De là à ce qu'il soit exécuté en conjonction avec les autres banques centrales il n'y a qu'un pas à franchir. Trim Tabs, le très respecté institut d'étude des marchés, ne trouve en tout cas aucune explication à la poursuite du rally à partir de l'été, les flux dans les fonds d'actions étant extrêmement réduits, les entreprises ne rachetant pas leurs actions, mais au contraire profitant de la hausse pour lancer de nouvelles émissions. La popularité des comptes d'épargne atteste de la forte aversion des particuliers pour la bourse.
Qu'est ce qui pousse donc les titres vers des plus hauts ? Les hedge funds sont essentiellement des spéculateurs à court et moyen terme et la plupart conservent des vues pessimistes sur la situation économique à long terme. Or aucune correction significative, aucune "prise de profits", n'est venue ralentir l'avance vertigineuse des bourses. Devant ces incohérences, il n'est pas surprenant que beaucoup d'investisseurs aient fait l'erreur de ne pas participer pleinement au rally.

La prochaine fois, ils se rappelleront ces trois dernières leçons:

The trend is your friend , le pessimisme obstiné ne paie pas, Don't fight the Fed.
(1) Source: Morningstar