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dimanche 12 février 2012

Une taxe européenne sur les transactions financières détruirait des dizaines de milliers d'emplois

La crise et son impact sur les finances publiques a généré toutes sortes de (nouvelles) mauvaises idées dans l'esprit des politiques qui cherchent à tout prix à combler les trous de leur budget gruyère. Rien de surprenant après tout, ne sont-ce pas ces mêmes politiciens dans les pays de l'Union Européenne qui nous ont mené tout droit au précipice ?

Certaines de ces idées sont très dangereuses et malgré tout sont reprises par de plus en plus d'intervenants . C'est évidemment l'idée que la BCE devrait soutenir le marché de la dette des états de l'UE, que la BCE devrait se lancer pour de bon dans l'assouplissement quantitatif. Ce qui serait une violation de la charte de la BCE et donc tout simplement illégal. Ce simple fait devrait clore le débat mais pour certains économistes (éminents), les circonstances nécessiteraient de jeter par la fenêtre tous les principes d'une politique monétaire saine. N'a-t-on rien appris de la violation d'autres principes fondateurs de l'euro, le Traité de Maastricht ? Malheureusement, l'idée est déjà acceptée dans les médias (Capital de ce mois titre : "Comment la BCE pourrait sauver l'euro" ) et dans l'opinion publique. Seuls les Allemands se rappellent encore de la République de Weimar.

De même l'idée d'une taxe Tobin européenne est populaire aujourd'hui. Ne faut-il pas punir ces ignobles spéculateurs parasites qui ont causé la crise ? L’Allemagne et la France sont à la tête de cette initiative qui grâce à l’Angleterre a jusqu’ici eu du mal à s’imposer. David Cameron a qualifié l’idée de « folie » C’est que 500 000 emplois seraient directement menacés en Grande-Bretagne si une telle taxe était créée. Des milliers d’emplois seront aussi détruits en Union Européenne lorsque l’Allemagne et la France instaureront leur propre taxe. La France va de l'avant avec une taxe de 0,1% sur les achats et ventes d'actions de sociétés d'une capitalisation de plus de 1 milliard. L'Allemagne pourrait imposer un impôt de 0,01% sur toutes les transactions financières.
La taxe française, plutôt symbolique (elle remplacera un impôt similaire disparu en 2008) et vue comme un exercice de démagogie de M.Sarkozy à l'approche des élections présidentielle, pourrait néanmoins avoir un impact très sérieux à terme sur le dynamisme de la place de Paris et par extension sur la compétitivité et l'accès au capital des entreprises françaises, y compris les PME qui souffrent justement d'un manque d'accès au capital. M. Sarkozy veut pourtant selon ses mots "rallumer la croissance" et faire en sorte que la France du business "rattrape le reste du monde" (pour ce faire il a aussi annoncé une hausse de la TVA, une autre invention française qui taxe de façon inique les échanges, le travail et le capital) .
Cette taxe doublera les coûts de transaction et signifiera l'arrêt de mort de beaucoup de participants en bourse de Paris. La taxe allemande n'est que de 0,01% mais s'appliquera également aux produits dérivés. Conséquence: la disparition d'un grand nombre d'acteurs sur Eurex , le plus grand marché à terme européen. Eurex qui a beaucoup parié sur le trading à haute fréquence ces dernières années - jusqu'à faire fuir d'autres traders et finalement dépendre fortement des robots - pourrait voir ses volumes s'effondrer et à terme être supplanté par une autre bourse. Eurex avait supplanté LIFFE quelques années après sa création en 1997, rien n'empêchera un autre player de prendre rapidement des parts de marché à Eurex. Il s'agit d'un secteur très compétitif qui a évolué rapidement comme l'ont montré la montée en puissance de ICE (Intercontinental Exchange) et la vague de M&A. Et le secteur continuera d'évoluer en particulier si des taxes Tobin sont instaurées. Les participants vont là où le volume se trouve, qu'il soit à Chicago, Londres, Francfort ou peut-être un jour Dubai, Singapore ou encore Hong Kong, peu importe. Les états qui instaurent une taxe Tobin se tirent dans le pied; la France et l'Allemagne renforceront un peu plus la domination anglo-saxonne dans le secteur financier .



Sarko : sur une autre planète ...








Imposer une taxe Tobin au niveau mondial est difficilement envisageable. Simplement parce que les USA et la Grande-Bretagne s'y opposeront, une telle taxe ferait disparaître des pans entiers de leur secteur financier local . Qu'on le veuille ou non , la finance fait partie aujourd'hui de l'économie et si c'est la mode aujourd'hui de décrier la finance, et les hedge funds en particulier, comme une nuisance pour une "économie réelle" qui en serait séparée , la réalité est que le secteur de la finance représente directement et indirectement un très grand nombre d'emplois.

L'idée d'une taxe Tobin n'est donc tout simplement pas réaliste. La Suède a expérimenté sur ce thème dans les années 80 et finit par l'abandonner au vu de son impact négatif.
http://en.wikipedia.org/wiki/Tobin_tax#Sweden.27s_experience_with_financial_transaction_taxes

La taxe est présentée comme un moyen de lutter contre les excès d'une certaine spéculation, le trading à haute fréquence en particulier. De simples règles comme une limite au nombre d'ordres qui peuvent être envoyés par minute dans le marché, pourraient résoudre cette question .
En réalité, en Europe les banques sont les premières utilisatrices de ces stratégies automatisées, et elles seront sans doute exemptées de la taxe à cause de leur statut de "market maker". Une taxe Tobin comme beaucoup d' autres mesures prises par les politiques depuis la crise conduirait alors encore une fois à réduire la concurrence au profit des grosses banques.
Les plus petits acteurs comme les courtiers en ligne, les firmes de trading entrepreneuriales, les hedge funds seront très négativement affectés et certains disparaîtront. De même les épargnants et futurs retraités seront parmi les premières victimes avec des coûts bien plus importants sur la gestion de leur épargne retraite.

Pour combler le gigantesque trou de la dette il y a d'autres moyens de faire contribuer le secteur bancaire : à commencer par un impôt exceptionnel temporaire sur les rémunérations des banquiers (une grosse partie des revenus part en rémunérations dans le secteur), avec un taux spécial pour les banquiers TBTF ("Too Big To Fail") qui ne devraient plus être en affaires si ce n'était grâce au sauvetage dont ils ont bénéficié en 2008. Un impôt exceptionnel élevé sur la fortune des gros actionnaires pourrait aussi être levé (ils ont eux aussi bénéficié des sauvetages). Enfin, en vue d'une réduction accélérée des déficits, pourquoi pas des réductions de paie et d'effectifs à la grecque pour les fonctionnaires de Bruxelles et d'ailleurs (après tout ils sont parmi les plus importants responsables de la crise de l'Euro) ? Peut-être entendra-t-on alors moins de mauvaises idées ...