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vendredi 8 novembre 2013

Un po' di olio sul fuoco ...

Après la Fed, la BCE  y va de sa propre volatilité. Draghi surprend à nouveau, suit Bernanke, exauçant les voeux des politiques. Grands perdants une fois encore, les épargnants sont poussés vers le précipice

On l'avait présenté comme le plus allemand des banquiers centraux italiens, son seul défaut était d'être un ancien de Goldman Sachs (des questions s'étaient alors posées sur son rôle éventuel dans le maquillage des déficits grecs). Mais il n'a pas fallu longtemps pour que Draghi dévoile son vrai visage de banquier central, déjà bien avant qu'il se dise "prêt à tout" l'année passée. En écoutant hier, une fois n'est pas coutume, sa conférence de presse (elles sont plus intéressantes ou moins pénibles que celles de son homologue d'Outre-Atlantique), j'ai bien entendu quelques pointes d'accent allemand ici et là, mais elles se font de plus en plus rares, au lieu de cela, j'ai maintenant l'impression d'entendre le refrain d'une vieille chanson de Claude Barzotti. Non Mario Draghi n'est pas allemand, et oui il est prêt à tout.


 Draghi Volatility : quelqu'un a perdu beaucoup d'argent ce jeudi lorsque Draghi a joué avec le bazooka (Euro et Dax 15 minutes). Nous étions short EUR/USD et EUR/JPY avant l'annonce.  

On a énormément critiqué la BCE, lui reprochant de ne pas faire ce qui n'est simplement pas sa mission -et ne devrait pas l'être, mais Draghi est resté jusqu'à présent le moins pire des banquiers centraux, même après avoir enfreint les principes fondateurs de la BCE (aussi longtemps que les OMT ne sont que des mots, Draghi pourra être exonéré). En comparaison de la Fed et de la BOE, la BCE n'a pas effectué le même travail de sape des épargnants responsables et de la classe moyenne au profit de l'élite financière, d'un état aux budgets hors de contrôle, et d'une croissance artificielle. La BCE de Draghi a fait beaucoup et elle a sans doute fait assez. Mais désormais, après la baisse surprise des taux hier, une baisse qui quelque part contredit la description faite par Draghi lui-même de la situation de l'Eurozone (dans une "meilleure situation" que beaucoup d' autres grâce à un surplus commercial, des déficits publics en baisse, une inflation basse), le Président de la BCE ne pourra plus ne pas être tenu responsable des conséquences catastrophiques qui se feront sans doute connaître dans les prochaines années.  Son prédécesseur s'est en allé, en parlant d'un travail "impeccable" alors que son aveuglement causa l'essentiel des malheurs actuels de l'Europe avec les bulles immobilières en Espagne et en Irlande. Même si la main de la BCE est forcée -comme sous Trichet- par la politique monétaire US ("no taper") et l'inaptitude des eurocrates à s'entendre et à agir,   une telle clémence envers Draghi ne sera pas possible.
 

 L'ombre de Trichet planera encore longtemps sur les désastres immobiliers en Irlande et en Espagne 

 

Les images de l'absurdité humaine (photos Bloomberg): construire des logements en veux tu en voilà pour les abattre ensuite lorsque les banques et le pays tout entier sont ruinés
La BCE a basé sa décision sur une série de données récentes, en fait les derniers chiffres de l'inflation de l'EZ à 0.7% sur un an, sans attendre confirmation qu'il s'agit d'une vraie tendance déflationnniste. Sur le long terme, l'inflation n'est pas exceptionnellement basse et sa faiblesse est simplement signe du nécessaire ajustement des prix internes dans les nations périphériques ainsi que de la hausse de l'euro (qui rend les importations moins chères) . 




      Netdania         
 Un thème que j'allais aborder prochainement : avec la baisse des prix de l'énergie, il fallait s'attendre à ce que les banquiers centraux voient à nouveau de la "déflation" !
 
     Netdania  

Mais ils ne voient toujours pas le grand "bull market" dans les actions, ni le marché des junk bonds en Europe qui ressemble à une bulle, ni les bulles immobilières qui persistent.

Pourquoi la BCE cherche-t-elle à atteindre à tout prix une inflation proche de 2% ?

Durant la séance de Questions/Réponses, une journaliste (allemande) pose très justement la question de la nécessité de faire remonter l'inflation ("trop basse") si comme la BCE l'affirme les attentes sur l'inflation sont "bien ancrées"(et que celle-ci ne voit pas la déflation à l'horizon, dixit Draghi). Comme  les autres grandes banques centrales aujourd'hui, la BCE cible l'inflation, une pratique qui ancre les attentes des acteurs économiques quant à l'inflation. Cibler l'inflation est censé promouvoir la croissance dans un contexte de désinflation en empêchant que l'inflation ne s'approche de zéro (et ainsi faciliter la vie aux débiteurs tels que l'Etat, au détriment des épargnants et du consommateur).  M. Draghi nous explique ensuite les raisons de cette politique, et l'explication est intéressante :

1) La première raison est que cibler 2 % offre un "coussin de sécurité", car on ne peut pas faire entière confiance aux chiffres de l'inflation qui peuvent s'avérer erronés. L'inflation peut être en réalité négative alors que les chiffres de l'HICP montrent une inflation à 1%. En d'autres mots, c'est le citoyen qui paie ici un supplément de prix pour compenser les éventuelles erreurs de l'Etat ! Notez que la possibilité d'erreurs de sous-estimation de l'inflation n'est pas un souci des gouvernements et des banques centrales.

2) La deuxième raison est qu'avec une monnaie unique, les déséquilibres entre pays (commerce extérieur, croissance) doivent être corrigés non pas par des dévaluations (les pays n'ont plus leur monnaie propre) mais par un ajustement interne des prix (en gros, les Grecs par ex. doivent vendre leurs produits moins chers pour être plus compétitifs). Or un tel ajustement des prix fait moins mal si l'inflation est plus élevée que 0-1 % au niveau européen, les prix et les salaires ne doivent pas trop chuter. En d'autres mots, les pays responsables comme l'Allemagne doivent vivre avec une inflation un peu plus élevée pour aider les nations du sud de l'Europe.

3) Les outils classiques de politique monétaire (baisse des taux) sont moins efficaces avec une inflation basse. Une banque centrale ne peut pas atteindre des taux réels fortement négatifs pour alléger le fardeau des endettés (l'Etat) en abaissant les taux à zéro si l'inflation se trouve proche de zéro. C'est pourquoi le FMI et des économistes keynesiens ont même proposé de revenir à une inflation élevée, à 4% ou pourquoi pas 5% ! (ce qui divise le pouvoir d'achat par deux en 15 ans).

4) Dans les circonstances actuelles, les banques centrales veulent des taux réels négatifs, pour encourager  l'investissement dans l'espoir que le chômage puisse ainsi diminuer (l'autre objectif inavoué est de réduire le poids réel de la dette publique qui devient insoutenable). Le problème est que des taux réels négatifs, et la promesse que cela durera longtemps, encouragent en effet l'investissement, mais tôt ou tard l'excès : le malinvestissement et la spéculation. C'est ainsi que l'on en arrive à des surcapacités, des bulles qui éclatent et un nouvel effondrement des prix.     
     

Conclusion : il est difficile de ne pas croire que la baisse surprise des taux par la BCE soit en fait motivée par un taux de change de l'euro récemment en hausse ainsi que par les pressions des politiques qui se sont récemment exprimés en faveur de plus d'intervention de la BCE (ce qui servira surtout à leur éviter d'être tenus responsables des temps durs et de faire leur travail nécessaire de réformes structurelles). Avec une BCE qui épuise ainsi ses munitions, il existe désormais un risque réel qu' un Mario Draghi renie la charte de la BCE et ait finalement recours à la planche à billets.