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dimanche 17 mai 2015

Suisse : Toujours aucune protection pour les employés honnêtes qui dénoncent les pratiques de leur entreprise

On les appelle les "lanceurs d'alerte" en français, une traduction du terme américain "whistleblowers" c'est-à-dire littéralement ceux qui font retentir le sifflet. Le terme est américain car la justice n'est pas un vain mot outre-atlantique . Le système judiciaire états-unien, ses lois protégeant salariés et consommateurs dont le monde entier finit par s'inspirer, permettent justement à n'importe quel employé d'avertir sa direction et les autorités en cas de pratiques frauduleuses et de saisir les tribunaux pour demander réparation en dommages et intérêts en cas de licenciement en relation avec cette alerte ou dénonciation. La simple menace de procédures judiciaires et de "dommages punitifs", (un concept propre au droit US) permet ainsi de décourager les pratiques malhonnêtes, un système qui fonctionne aux USA.

Depuis les années 2000 et les divers scandales qui ont émaillé l'actualité des entreprises, l'idée de faciliter la tâche des employés honnêtes qui ont des problèmes internes graves à révéler a fait petit à petit son chemin en Europe. Il en est de même en Suisse où la culture du consensus - et du secret - est bien ancrée dans la vie sociale et économique. Les "lanceurs d'alerte" peuvent être considérés comme des employés aigris et c'est sans doute régulièrement le cas, mais peu importe si leur mécontentement agit comme déclencheur, un employé qui a trop à perdre ne parle pas et c'est bien l'objet de ces projets de loi à l'étude. Leur permettre de parler sans crainte.

Les temps changent

Longtemps au pays de l'argent-roi, les milieux d'affaires et la droite,  considérant que les entreprises se passeraient bien de déballages médiatiques, les voyaient au pire comme des délateurs, au mieux comme des esprits trop critiques et peu constructifs, des empêcheurs de tourner en rond. Même la presse helvétique a parfois repris ces caractérisations alors que le débat prenait forme, et certains lanceurs d'alerte n'ont de mémoire pas eu bonne presse, c'est le moins qu'on puisse dire . On se rappelle de Christoph Meili qui dénonça les secrets d'UBS dans l'affaire des fonds en déshérence.

 Une justice à deux vitesses 

En Suisse, dans ce genre d'affaire, les dénonciateurs ont généralement été condamnés, le plus souvent pour diffamation. Si ce n'est pour être blanchis en second lieu, dans le meilleur des cas. Les dysfonctionnements notoires de la justice en Suisse aggravent le problème. Dans les affaires de diffamation, les juges qui sont aussi nommés suivant leur appartenance politique, disposent d'une grande marge d'interprétation, si bien qu'une justice à deux vitesses existe: selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. On se souvient du cas d'un consultant informatique dénonçant des impropriétés et des négligences dans l'attribution d'un marché pour le développement d'un logiciel à l'administration vaudoise. Le logiciel avait coûté des millions en pure perte. Le consultant fut condamné à une amende extrêmement lourde, malgré le principe de bonne foi censé exonérer l'auteur de propos diffamatoires .
http://www.24heures.ch/vaud-regions/deballage-justice-echec-logiciel-scolaire/story/11555484?dossier_id=1205

Si les mentalités changent sous la pression du public notamment, la loi elle prend son temps pour évoluer. Le projet est à l'étude depuis des années. Soutenu par la gauche évidemment, il a été bloqué par l'UDC, le premier parti de Suisse, qui le voit comme superflu, un fardeau supplémentaire sur le dos des entreprises.
Les employés honnêtes devront donc attendre encore quelques années semble-t-il pour avoir l'espoir d'être à l'abri de représailles. Et quoiqu'il en soit, nous serons bien loin du système américain. Le Code des obligations suisse stipule que les employés ont "l'obligation de fidélité à leur employeur" . Selon Le Matin  aux dernières nouvelles, la loi ne protégerait les employés que si ceux-ci ont effectué toutes les démarches pour corriger le problème auprès de leur employeur d'abord. Et le projet de loi actuellement à l'étude prévoit que l'employé ne pourra ensuite s'adresser au public sans violer son obligation de fidélité que si l'autorité ne l'informe pas des suites données à son intervention dans un délai de 14 jours.

Quelques liens :

http://egalitedescitoyens.blog.tdg.ch/archive/2015/05/05/suisse-loi-pour-la-protection-des-lanceurs-d-alerte-de-2003-266951.html

http://www.lematin.ch/suisse/Le-National-sensible-a-la-protection-des--lanceurs-d-alerte/story/19917030

Il faut s’accrocher pour devenir lanceur d’alerte